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aux États-Unis, parce que chaque état a conservé le droit de défendre ses intérêts contre ses voisins et de s’administrer selon ces intérêts. Par suite donc des droits dont ils sont disposés à faire un si déplorable abus, les états de l’Union américaine ont pu diversement organiser leurs systèmes de banques, et c’est dans cette licence même que réside le danger. L’état social de la France au contraire, s’il permet et s’il réclame actuellement la multiplicité des banques, entraînerait l’homogénéité et l’uniformité de la constitution de ces établissemens sous la forme d’une loi générale de l’état. L’exemple de l’Amérique en cette question ne peut donc pas remplir ce rôle d’épouvantail auquel il sert constamment.

Pourquoi les adversaires de la multiplicité des banques, au lieu de chercher toujours leurs exemples aux États-Unis, ne se tournent-ils pas vers l’Angleterre ? Bien qu’il ne soit pas en harmonie avec l’ensemble de toutes les libertés dont jouit le peuple anglais, le régime appliqué aux banques n’en mérite pas moins une sérieuse étude. Le monopole de la Banque d’Angleterre est après tout limité à 65 milles dans le rayon de Londres, et en 1854 il existait, en Angleterre et dans le pays de Galles, 165 banques particulières et 65 banques par actions qui émettaient des billets. En 1855, on comptait en Irlande sept banques outre la Banque d’Irlande[1]. — On voit combien nous sommes loin de cette organisation, que beaucoup d’économistes anglais trouvent insuffisante. — En Écosse, les bases du crédit sont bien plus larges. Il est bon de rappeler que dans ce pays la pratique des banques a commencé en 1659 par le monopole, mais que vingt ans après son avènement le monopole a été détruit. Depuis lors, la constitution économique de l’Écosse s’est développée dans la voie de la multiplicité des banques. Personne n’ignore cependant qu’outre les opérations courantes, ces institutions font des crédits à découvert sous caution solvable, des prêts hypothécaires, et qu’elles bonifient un intérêt sur les dépôts qui leur sont confiés. Et pourtant, malgré leurs fonctions multiples et leurs charges, les banques d’Écosse passent à juste titre pour être les plus parfaites, et, ayant été les plus éprouvées, pour les plus solides qui existent[2]. C’est grâce à ces instrumens de crédit que le sol ingrat de l’Écosse a été fécondé sur tous les points. C’est à l’aide de 18 banques de circulation, ayant 382 comptoirs ou succursales,

  1. La Banque d’Irlande a 23 succursales. La circulation moyenne des banques d’Irlande, pour une population de 6,561,970 habitans, est de 5,594,562 livres sterling, soit 139,814,050 francs.
  2. Ces banques ont subi les grandes crises de 1793 et 1797, celles de 1810, 1818, 1825,1839, 1847, et dans l’espace de plus d’un siècle elles n’ont fait perdre au public que 36,000 livres.