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Nous avons entrepris des œuvres de Romains sans les dépouilles des conquêtes, sans les bras gratuits, des vaincus et des esclaves. Les efforts constans que nous sommes condamnés à faire amènent, de temps en temps l’épuisement de nos forces. Nous devrions donc rencontrer partout, parce que c’est partout que nous déployons ces forces, les moyens nécessaires pour les rétablir ou les accroître. Dans les choses indépendantes de l’action individuelle, les faits politiques par exemple, on trouve bien des sujets d’inquiétude qui peuvent imposer des tempéramens nuisibles à notre activité ; mais rien ne doit contrarier l’expansion du travail, car les exigences de la vie matérielle deviennent tous les jours plus grandes, et il faut absolument produire en raison de ce que l’on consomme. Les crises financières sont pour la prospérité publique des calamités qui ne doivent pas lui être inhérentes, et qu’il est possible d’atténuer et même de prévenir en provoquant une répartition plus générale et mieux ordonnée des capitaux.

Nous le savons, une tentative en dehors du système des privilèges centralisés rencontrera en face d’elle bien des préjugés. On a détruit les maîtrises, les corporations et les jurandes au nom de la dignité des droits du citoyen ; mais nous sommes encore régis, dans les affaires commerciales, industrielles et financières, par une infinité d’entraves dont les inconvéniens apparaissent chaque jour. Le retour vers les règlemens surannés de la Bourse est un signe de l’époque et des principes qui la gouvernent. Nous avons démontré les dangers du privilège exclusif et centralisateur en ce qui concerne la Banque de France, et nous n’en parlerons pas à l’occasion d’autres établissemens dont l’action, s’ils pouvaient l’étendre, serait bornée par ce système lui-même ; mais nous croyons qu’il est urgent de changer ces habitudes de tutelle qui tiennent nos finances, notre commerce et notre industrie sous une dépendance qui leur est contraire. Des associations colossales se sont emparées de toutes les ressources du pays, et les épreuves qu’elles subissent frappent indistinctement toutes les fortunes. Ce principe de l’association, en attirant tout à lui, en s’appliquant à tout, en envahissant le domaine où la personnalité seule peut agir, en lui dérobant sa place au soleil, a compromis son existence même, car il ne peut vivre et prospérer qu’à la condition d’être alimenté par les efforts individuels dont il doit être le serviteur et non le maître. Le jour est venu où il faut faire leur part à ces deux forces de l’économie sociale, l’être collectif et l’individu. Les inquiétudes permanentes attachées aux œuvres désormais très laborieuses confiées aux grandes sociétés font naître ces crises monétaires, qui paraissent factices quand on les étudie, mais qui se reproduiront inévitablement tant que nos moyens de crédit ne seront pas proportionnés à nos besoins.