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sens et n’obtenaient d’autres résultats que de provoquer dans les cortès constituantes, alors réunies à Madrid, des discussions où se manifestait la sympathie pour le chemin de fer du nord de l’Espagne. Le maréchal duc de la Victoire allait inaugurer les travaux à Valladolid, et dans un moment d’enthousiasme il promettait au chemin de fer du nord le monopole des relations internationales : parole de banquet, il est vrai, dont le souvenir est peu durable. Le capitaine-général Espartero, qui ouvrait aussi les travaux de Saragosse à quelque temps de là, eût été assez embarrassé, si on lui eût rappelé ses paroles adressées aux Castillans. Les Aragonais, ceux de Saragosse surtout, eussent-ils pardonné à leur enfant gâté, à ce héros populaire, à celui auquel on avait fait dans le temps une entrée triomphale, d’avoir déserté leurs intérêts ?

Le Crédit mobilier vit dans cette faveur momentanée de l’opinion une garantie suffisante pour l’avenir ; mais de nos jours les hommes et les choses durent peu. Si les peuples ne sont pas toujours arrêtés par les lois, un discours, un mot les gêne encore moins. L’avenir resta donc un peu vague, et la question ne fut pas légalement résolue. Néanmoins le Crédit mobilier se mit à l’œuvre pour exécuter ses engagemens, et pour l’instant la communication entre la France et l’Espagne par Irun l’emportait dans les cortès de préférence à toute autre. Le projet d’une seconde communication par les Alduides, qui avait été étudié dès 1853 par M. Daguenet, ingénieur des ponts et chaussées de France, sur la demande de la députation provinciale de Navarre, ce projet disparaissait momentanément. Il renaissait en quelque sorte par la force des choses en 1858, à l’occasion de la discussion de la loi du chemin de fer de Saragosse à Pampelune, qui devait aller s’embrancher sur la ligne du nord.

Le gouvernement avait d’abord décidé que le point de jonction des deux lignes serait Irurzun, petite ville près de Pampelune. Par des considérations diverses, le tracé du chemin de fer du nord s’était modifié, et la ville d’Alsasua devenait le nouveau point de jonction. Cette solution ne pouvait évidemment satisfaire qu’une partie des intéressés, le Crédit mobilier, dont la voie était empruntée sur un assez long parcours par tout le trafic de l’est. Aussitôt Navarre et Aragon élevèrent la voix par l’intermédiaire de leur députation locale. Ces provinces ne disputaient plus au Guipuzcoa la traversée des Pyrénées ; elles demandaient un débouché propre dont elles seules feraient tous les frais, la traversée directe par les Alduides en un mot. La question entrait ainsi dans une nouvelle phase, la polémique s’en empara, et de tous côtés on épuisa les argumens et les prétextes. Il fallut se décider à faire un pas en face d’une pareille situation : le ministère présenta donc une loi en mai 1858. Laisser une question d’intérêt général à la libre décision de