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la représentation nationale, c’était en définitive ce qu’il y avait de plus naturel. Cette mesure exalta cependant l’irritation au lieu de la calmer. Plusieurs journaux, de diverses couleurs politiques il est vrai, mirent une vivacité sans exemple dans leurs discussions, et, remuant habilement les passions de la foule, lui donnèrent un caractère d’impopularité nationale. Le Crédit mobilier présentait en même temps Une supplique aux cortès, dans laquelle il faisait valoir tous ses argumens contre un projet attentatoire, selon lui, à des droits acquis, c’est-à-dire au monopole du transit international, monopole que, par une singulière coïncidence, défendait vivement le parti libéral espagnol. Ce projet était considéré comme une calamité ; il tuait le crédit au moment où il était le plus nécessaire ; déjà les chantiers étaient sur le point de rester déserts, et la province de Guipuzcoa voyait son triomphe compromis. Si l’Espagne approuvait un pareil projet, elle mériterait d’être rayée de la liste des nations indépendantes ; le Crédit mobilier allait renvoyer ses douze mille ouvriers, etc. C’est en général sur ce ton que se discutait la question du chemin des Alduides.

Il faut en convenir, la compagnie du chemin de fer du nord avait raison de se défendre : le moment était critique ; les Basques, voyant aussi leurs intérêts compromis, n’avaient pas tort de se faire entendre. L’exposé adressé aux cortès par le président du conseil d’administration, M. Osma, ne manquait pas d’habileté ; il renfermait néanmoins quelques phrases dangereuses pour les intérêts qu’il défendait. Il disait notamment : « Si l’esprit industriel se révèle avec tant de force, pourquoi ne pas le diriger vers les lignes d’Andalousie et d’Estramadure, qui attendent encore, au lieu de le laisser se perdre dans un pareil projet, dont l’utilité est douteuse ? Si plus tard un besoin irrésistible se manifeste, on pourra le satisfaire sans nuire à des droits respectables et aux intérêts sacrés de la nation. » D’abord l’esprit industriel ne se manœuvre pas comme un régiment ; il suit la voie la plus avantageuse : il fait des chemins de fer parce qu’il y trouve des bénéfices, et demain il les abandonnerait pour exploiter des mines, si les avantages étaient plus grands ; ensuite M. Osma ne faisait évidemment qu’ajourner la discussion. Les lignes d’Estramadure, d’Andalousie, de Carthagène, sont concédées et en voie d’exécution ; celle de la Corogne vient d’avoir une solution, et les travaux vont commencer : il n’est donc plus nécessaire de concentrer sur ces divers points l’esprit industriel. À l’argument le plus important, à celui du droit au monopole, les partisans de la traversée des Alduides répondaient : « Montrez-nous votre loi de concession, les droits qu’elle vous confère, et nous nous retirons. Dans des circonstances aussi graves, aurait-on oublié de faire constater que la locomotive du chemin de fer du nord avait seule le