Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/759

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce droit est mis à la disposition des citoyens, qui en réalité le transmettent par leurs pétitions au sénat. Le corps législatif, privé de l’interpellation et de l’initiative, est également dépourvu du stimulant du pétitionnement des citoyens. Encore, si la délibération sur le budget s’ouvrait au commencement de la session, le corps législatif pourrait-il retrouver dans une investigation approfondie des dépenses et des revenus publics le moyen de parcourir avec les développemens nécessaires toutes les grandes questions politiques actuelles. Il y a là un vice que la pratique de la constitution rectifiera sans doute avec le temps. Il est devenu apparent cette année : c’est quelque chose que de l’avoir reconnu ; on travaillera sans doute dès l’année prochaine à le réformer.

On commence à se préoccuper des élections partielles qui vont avoir lieu le mois prochain pour les conseils-généraux. L’ardeur électorale est loin assurément d’être vive encore. Il semble pourtant que l’on s’apprête à sortir de l’apathie et de l’indifférence où nous sommes restés plongés depuis dix ans. Cette tendance à reprendre goût aux luttes électorales est un symptôme faible encore, mais encourageant, de la renaissance de l’esprit public. Plusieurs écrits que nous avons sous les yeux indiquent l’intérêt qu’inspire déjà le mouvement électoral. Quelques publications, telles que les Droits politiques dans l’élection, de M. E. de Sonnier, fournissent aux électeurs toutes les instructions nécessaires à la conduite des opérations électorales. D’autres écrits, tels que les Élections des conseils-généraux et des conseils d’arrondissement, de M. Henri Moreau, annoncent que certains efforts seront tentés ’dans l’épreuve du mois prochain. À nos yeux, il serait si heureux que le goût de la vie publique se pût réveiller, que nous ne voudrions décourager aucune tentative, de quelque côté qu’elle vienne. Nous ne pouvons pourtant nous empêcher de signaler dans l’écrit de M. Moreau un système de démarcation des opinions en France auquel nous ne saurions nous prêter, et qui ne portera pas bonheur à ceux qui l’essaient. M. Moreau divise en deux catégories les intérêts ou les idées que les élections mettent aux prises : il partage la France en deux camps, les conservateurs et les révolutionnaires. Pourquoi cette division arbitraire ? A quoi servent ces sempiternelles réminiscences d’un passé que certaines personnes voudraient toujours recommencer ? Que veulent conserver vos conservateurs ? que veulent détruire vos révolutionnaires ? Y a-t-il de notre temps beaucoup de conservateurs qui ne veuillent rien détruire, beaucoup de révolutionnaires qui ne veuillent rien conserver ? Ceux qui croient se faire grand bien et grand honneur en se décorant du nom de conservateurs ne s’aperçoivent-ils pas qu’avec leurs divisions exclusives ils éloigneront d’eux et repousseront toujours dans le camp de ceux qu’ils nomment des révolutionnaires la partie la plus active et la plus vivante de la nation, et que s’appeler conservateur quand ce mot ne répond à rien de précis, c’est se vouer gratuitement à une défaite certaine ? Au surplus, les grandes élections,