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convention, qui, en stipulant le mode de remise du royaume entre les mains des Autrichiens, garantissait autant que possible les droits et les intérêts de l’armée et des employés civils. Deux jours après, il fit ses adieux au peuple italien par une proclamation dans laquelle il semblait encore conserver quelques illusions sur son avenir. « De nouveaux arrangemens politiques, y disait-il, m’obligent à m’éloigner de vous, et rendent incertain l’accomplissement d’un vœu qu’il me fut bien possible de laisser échapper une fois lorsque vous l’aviez vous-même manifesté mille… Vous pouvez me devenir étrangers, mais indifférens, jamais… Et vous, brave armée italienne,… peut-être ne me verrez-vous plus à votre tête et dans vos rangs, peut-être n’entendrai-je plus vos acclamations ; mais si jamais la patrie vous rappelle aux armes, vous aimerez encore, au fort du combat, à vous rappeler le nom d’Eugène. »

Il quitta ensuite l’Italie, qu’il ne devait plus revoir, et, après avoir conduit sa femme à Munich, il partit pour Paris, où les souverains alliés étaient encore réunis, et où sa mère le pressait de venir veiller à l’accomplissement de la promesse que contenait en sa faveur le traité de Fontainebleau. Il y fut très bien accueilli, tant par les souverains que par Louis XVIII et sa famille. La conduite qu’il avait tenue dans les dernières circonstances, et qui faisait un tel contraste avec celle de bien d’autres personnages, appelait sur lui l’estime et la sympathie générales. La joie d’un triomphe inespéré inspirait alors d’ailleurs à ceux que la fortune venait de relever, après les avoir si longtemps accablés, des sentimens de bienveillance et de courtoisie que de nouvelles collisions devaient bientôt étouffer. Dans une lettre qu’Eugène écrivait à la princesse Auguste, il lui parlait en ces termes de l’accueil dont il était l’objet : « Je suis vivement touché de la manière dont je suis traité par tout le monde ; amis, ennemis de toutes les nations, on me témoigne la plus haute estime. Les Français désireraient beaucoup que je fusse encore utile à leur malheureux pays ;… mais j’ai tenu avant tout à rester indépendant. J’espère bien que tu n’auras pas cru un seul moment à la nouvelle du journal sur ma nomination comme maréchal de France. Puisque je ne te l’ai pas mandé, c’était faux. » Ce bruit avait couru en effet, et généralement on y avait ajouté foi. Comme je le disais tout à l’heure, on était tellement disposé à considérer comme un rêve l’édifice politique qui venait de s’écrouler, qu’au dire de bien des gens c’était, après tout, une rare bonne fortune pour un simple gentilhomme comme M. de Beauharnais de se trouver à trente-trois ans maréchal de France.

Dès ce moment pourtant, Eugène, par suite peut-être des confidences qu’il recevait, augurait mal de la tranquillité à venir de la France. Voici ce qu’il en écrivait à sa femme : « Retiens bien ceci,