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types arabes sans copier pour cela ni M. Delacroix, ni Decamps, ni Marilhat. Là où d’autres avaient été séduits tout d’abord par le côté héroïque des choses, il est particulièrement curieux du charme qu’elles recèlent, du sens intime qui peut s’en dégager, talent ingénieux et tendre, dont la délicatesse même intimide un peu les allures, mais auquel aussi elle prête une physionomie d’élite et un attrait tout personnel.

À côté de MM. Breton et Fromentin, qui, chacun dans son genre, personnifient les plus récens progrès de ce qu’on pourrait appeler la peinture ethnographique, il n’est que juste de nommer en première ligne M. Brion, que son Repas de noce en Alsace et le Bénédicité maintiennent au rang où l’avaient élevé précédemment ses Bretons à la porte d’une église et ce très touchant tableau, un Enterrement sur les bords du Rhin, — MM. Achenbach, Tidemand, Israëls et van Muyden, bien que les talens de ces quatre artistes étrangers n’intéressent qu’assez indirectement l’honneur de notre école ; enfin, parmi les peintres de sujets orientaux, MM. Belly et Bida, — le premier à cause des progrès qu’attestent les Vues d’Égypte qu’il a exposées, et surtout son tableau des Pèlerins allant à la Mecque ; — le second moins peut-être en souvenir de son Champ de Booz à Bethléem, composition d’une ordonnance indécise et d’une exécution trop morcelée, qu’à l’occasion d’une très heureuse tentative dans un ordre de travaux que son crayon n’avait pas abordé encore. Le dessin dans lequel M. Bida a représenté Condé à Rocroy, ou plutôt l’armée française agenouillée sur le champ de bataille et remerciant Dieu de la victoire, est une œuvre véritablement inventée en dépit de la symétrie obligée des lignes et de la fidélité historique imposée par le sujet, une scène pleine d’émotion et de grandeur qu’on pourrait, sans y rien changer, transporter sur une vaste toile, et qui, malgré ses proportions restreintes, a une signification plus ample, un aspect plus majestueux que tel tableau d’histoire exposé à quelques pas de là. — Puisque les dessins de M. Bida nous ont attiré dans la galerie où l’on a réuni tous les ouvrages du même genre, nous ne la quitterons pas sans avoir mentionné au moins les commentaires un peu trop agréables dans la forme, mais pourvus au fond d’imagination et de puissance, que le crayon de M. Doré a tracés en regard de la Divine Comédie, et les spirituelles vignettes à l’aquarelle où M. Eugène Lami a entrepris de donner un corps aux fantaisies exquises et à la poésie d’Alfred de Musset : tâche difficile, presque inexécutable même en plus d’un cas, mais qui, une fois acceptée, ne pouvait être poursuivie avec plus de goût, ni au besoin modifiée avec plus d’adresse.