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qu’ils aient, comme M. Guillaume dans sa statue de Napoléon Ier, fait une œuvre nouvelle, soit que, comme MM. Maillet et Moreau, ils aient reproduit en marbre des figures dont les modèles en plâtre ou en bronze étaient exposés au dernier salon, ils ont du moins acquitté sans marchander leur dette vis-à-vis du public. M. Cavelier y a mis moins de parcimonie encore. Indépendamment d’un très beau buste de M. Horace Vernet et d’une statue de Napoléon Ier qu’il est intéressant de rapprocher de l’œuvre de M. Guillaume, il a taillé dans le marbre un groupe de trois figures, Cornélie et les Gracques, qui, avec le Désespoir de M. Perraud et le Virgile de M. Thomas, mérite d’être cité comme résumant à peu près toute l’importance, tous les mérites de l’exposition de sculpture en 1861.

Le groupe de M. Cavelier, j’entends le modèle en plâtre, avait paru déjà, il y a six ans, à l’exposition universelle. En le revoyant aujourd’hui modifié d’un bout à l’autre et amélioré dans tous les détails avec une rare sûreté de goût et de ciseau, on peut dire que, sauf les lignes générales de la composition, rien ne subsiste des formes primitives. Les traits de Cornélie, si nous avons bonne mémoire, étaient loin d’exprimer aussi bien l’orgueil maternel et la majesté. Le corps du plus petit des deux enfans n’avait pas cette beauté robuste, la tête cette fierté toute romaine ; la chevelure même cette apparence de vie énergique et de sève. Les draperies enfin, bien que très heureusement disposées dès l’origine, ont acquis dans le travail définitif une vraisemblance et en même temps une pureté de style qui rappellent l’exécution magistrale d’un autre morceau dû au ciseau de M. Cavelier, — le voile servant de fond et de support à la figure de la Vérité. Comment se fait-il toutefois qu’en révisant sa pensée avec tant de soin, en corrigeant avec tant de clairvoyance et d’habileté les imperfections qui déparaient le modèle en plâtre, M. Cavelier ait oublié de préciser davantage, d’expliquer par l’ajustement le mouvement de la figure de l’aîné des Gracques ? Dans la partie inférieure de cette figure, les draperies dissimulent si complètement l’attitude qu’il est difficile au premier aspect de deviner à laquelle des deux jambes appartient le pied que l’on entrevoit. La jambe droite reployée sous la jambe gauche n’existe et ne devient compréhensible que lorsqu’on examine le groupe par derrière : elle disparaît tant qu’on le regarde de face, et cette incertitude dans la structure embarrasse d’autant plus les lignes que celles-ci, par le volume même de la draperie, sont plus multipliées et plus saillantes.

Quel que soit ce défaut partiel, l’ensemble des qualités qui distinguent l’œuvre de M. Cavelier est considérable. Tout en se souvenant des exemples de l’antiquité, ainsi que le lui prescrivaient les