Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Y a-t-il quelque fondement à toutes ces histoires qui circulent sous la rubrique du « mauvais œil » ? Avez-vous personnellement expérimenté le pouvoir de fascination qui se rencontre, dit-on, chez certains animaux ? Quel cas faites-vous de ces récits, fréquens en nos journaux, où l’on entretient le public d’enfans liant amitié avec des ophidiens, partageant avec eux leur nourriture, et obéissant à une mystérieuse influence exercée sur eux par ces animaux ? Avez-vous lu, lu avec attention, et au point de vue de la science, la Christabel de Coleridge et la Lamia de Keats ? Avez-vous pénétré le sens de ces deux poèmes ? Trouvez-vous aucun fondement physiologique à l’un ou à l’autre des récits qu’ils renferment ?

« Voilà beaucoup de questions, et pourtant j’en aurais d’autres, d’un ordre tout différent, que je voudrais encore vous soumettre. J’en choisis une seule, dont vous me fournirez peut-être la solution. Pensez-vous qu’il puisse exister des dispositions héréditaires ou inoculées de bonne heure, mais en somme devenues constitutionnelles, qui enlèvent à l’empire de la volonté telles ou telles déterminations, volontaires en apparence, et les affranchissent de toute responsabilité morale, au même degré où en sont affranchis les instincts des animaux inférieurs ? Ne pensez-vous pas, en un mot, qu’il peut y avoir crime sans qu’il y ait péché ?

« Excusez ce catéchisme ; il m’est dicté par des circonstances vraiment très exceptionnelles au milieu desquelles je me débats comme je puis. J’espère cependant achever mon année scolaire sans catastrophes, bien qu’il se passe autour de moi des choses qui feraient ouvrir de grands yeux à bien des gens. S’il m’arrivait quelque chose, vous en seriez naturellement informé tout des premiers ; mais je compte bien ne pas fournir aux rédacteurs du Rockland Weekly Universe l’occasion de raconter « la mort d’un très regrettable et regretté personnage, qui, de son vivant, cher professeur, se regardait comme le plus obligé, le plus reconnaissant de vos élèves, savoir de

« BERNARD G. LANGDON. »


LE DOCTEUR *** A BERNARD LANGDON.

« Vos questions, mon bon ami, sont d’espèce mixte. Elles participent de la poésie au moins autant que de la science. Vous devez trouver fort peu de personnes en état de les comprendre, à plus forte raison de vous aider à les résoudre. Les gens d’esprit, avant de s’occuper d’un lavage intellectuel, veulent savoir d’avance dans quelles proportions le sable et l’or se trouvent mêlés. Il est des cas où la pépite ne vaut pas ce qu’elle coûte de travail. Dans le magnétisme par exemple, nul doute qu’il n’y ait un fonds de vérité ; mais les jeunes femmes hystériques d’un côté, les charlatans escrocs de