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LE CABINET DE MADRID ET L’INSURRECTION DE LOJA.


Il devient quelquefois difficile, on ne peut le méconnaître, de démêler la vérité dans ces mouvemens des peuples qui n’ont rien de commun en apparence, et qui en réalité ne sont que les élémens indissolubles d’une situation générale. Qu’on tourne les yeux vers l’Italie, la Hongrie, la Pologne, l’AlIemagne, l’Orient, la Russie elle-même : une multitude de problèmes s’élèvent à la fois et se déroulent confusément à travers des alternatives de précipitation et de ralentissement. Ces questions, qui font leur chemin sous nos yeux, on ne peut les séparer; elles se rejoignent en quelque sorte, réagissent les unes sur les autres, et sont dans leur ensemble l’expression émouvante et profonde de la crise qui agite l’Europe. L’Espagne, par sa position, n’entre sans doute qu’assez indirectement et de loin dans ce mouvement des choses : elle s’y rattache pourtant encore plus qu’on ne le croit par une certaine solidarité générale, par le travail des esprits et des partis, par le retentissement inévitable que les affaires européennes ont au-delà des Pyrénées, et même de temps à autre par quelqu’un de ces incidens imprévus d’où jaillissent des lumières soudaines, comme cette insurrection qui a éclaté récemment dans le midi de la Péninsule.

Pour le moment, la cour de Madrid et le monde politique sont en voyage; la reine Isabelle visite les côtes de l’Océan, et elle est reçue à Santander, comme la royauté est toujours reçue en Espagne, par des acclamations et des ovations populaires. Tout est donc calme à la surface; le fond de la situation cependant ne laisse point d’avoir ses troubles et ses obscurités. « Ne montrez-vous pas, nous écrivait récemment un Espagnol de libre esprit, ne montrez-vous pas une curiosité bien grande de prétendre savoir ce que nous faisons, où nous allons? Dans tous les cas, c’est une curiosité qui dépasse la nôtre. Pour nous, depuis quelque temps nous nous accoutumons à ne plus savoir où nous en sommes et où nous allons. Nous sommes au lendemain de l’insurrection de Loja, insurrection fort extraordinaire dont on n’a pas encore le secret, et en attendant les répressions suivent leur cours. On ne fusille plus, on exécute par le garrote vil ceux qui sont réputés les chefs et qu’on peut prendre, et le reste est envoyé aux présides. Pour notre politique extérieure, qu’en savons-nous? Resterons-nous en paix avec le Maroc, qui ne solde pas l’indemnité promise? Recommencerons-nous la guerre? L’an dernier, pour nous faire accepter la paix sans conquête territoriale, on nous disait que Tetuan ne serait qu’un mauvais poste, un camp ruineux, que mieux valait une grosse somme, qui accommoderait nos finances; aujourd’hui on recommence à nous dire que Tetuan serait une précieuse pos-