Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/1010

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session à conserver à défaut d’argent. En Amérique, nous avons avec le Mexique et le Venezuela des affaires désagréables, qui ne se terminent pas à notre honneur, ou qui, à vrai dire, ne finissent pas du tout. En Europe, nous écrivons des dépêches pour le pouvoir temporel du pape, et nous avons auprès de François II un ambassadeur que l’ancien roi de Naples a fait prince. Nous avons des vœux stériles pour tout ce qui s’en va et de la mauvaise humeur également stérile pour l’Italie. Notre cabinet, qui préside à tout cela, fait dire, chose dangereuse, par ses amis et partisans, qu’il est la providence de la monarchie, le dernier ministère possible, et malgré tout, sans qu’il y ait aucun fait bien palpable, une vague inquiétude gagne de proche en proche. On se fait tout bas cet aveu, que cela ne peut point durer ainsi, que les affaires du pays sont assez tristement conduites, ou plutôt ne sont pas conduites du tout, qu’on va à l’aventure, et que les aventures conduisent aux catastrophes, dont Dieu nous garde!

« Vous avez bien votre part dans ce tumulte bourdonnant d’appréhensions. Ce n’est pas qu’on craigne bien sérieusement que la France vienne un de ces jours nous demander les provinces de l’Èbre. C’est une plaisanterie qu’on tire du fourreau de temps à autre pour la circonstance. Ceux qui connaissent les choses savent bien que la France n’y songe guère. D’ailleurs notre ministère est le meilleur ami de l’empereur. Il n’est pourtant pas certain qu’il ne soit bien aise de voir quelquefois amis et ennemis agiter autour de lui ces questions, quoique les uns et les autres soient mus par des causes très différentes. Cela sert notre ministère, cela lui donne un air de défenseur de l’indépendance nationale menacée, et quand au dehors on le juge rigoureusement pour sa politique indécise et contradictoire, ces sévérités sont évidemment le fait d’une conspiration étrangère! Combien de temps cela durera-t-il? Cela durera, penserez-vous, jusqu’à ce qu’un parlement en juge autrement. Vous serez dans l’erreur, car il n’y a jamais eu chez nous un parlement qui ait renversé un ministère ou qui lui ait dicté une politique, et il n’y a jamais eu un ministère qui, faisant des élections, n’ait trouvé dans le parlement une majorité docile. Seulement, à force d’expériences, les ressorts s’usent, les mœurs politiques s’affaiblissent dans la confusion au lieu de se fortifier, et le régime constitutionnel est à la merci des incidens. Il y a de quoi réfléchir...

« Le ministère O’Donnell aurait pu exercer une grande et utile influence, opérer beaucoup de bien; malheureusement il n’a réussi qu’à vivre, grâce à nos divisions, car nous sommes tous divisés. D’ailleurs, soit dit entre nous, notre cabinet ne vit que par son président, qui est moins une tête politique qu’un chef militaire; les autres ministres tombent dans l’insignifiance, et c’est peut-être pour cela que le duc de Tetuan les garde auprès de lui. Notre ministre de l’intérieur, M. Posada Herrera, plie sous le poids des lois de réforme qu’il devait faire, qu’il a présentées au parlement et qu’il n’a pu soutenir jusqu’au bout. M. Calderon Collantes conduit notre diplomatie