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ples du monde. Il est naturel à l’homme de chanter ce qu’il adore. La prière qui s’élève du cœur sous la forme d’un chant semble plus efficace et plus éloquente que celle qu’on exprime par la simple parole. On pourrait dire que la parole est plutôt l’organe de l’esprit et de ses vues particulières, tandis que le chant est la manifestation du sentiment de tous. Dès le berceau de l’église chrétienne, on a chanté les louanges du divin fondateur, la gloire des apôtres et celle des martyrs. Les catacombes retentissaient de chants d’allégresse, d’hymnes pieuses qui exaltaient la foi des néophytes et leur donnaient la force de braver la persécution. Il appartenait à la religion de l’amour d’employer la langue par excellence du sentiment, et de faire du chant public le fondement de son culte.

Aussitôt que l’église eut conquis le droit d’ouvrir des temples et de confesser publiquement sa foi, elle se trouva en face de deux grandes difficultés. Voulant que les fidèles prissent une part directe à la célébration de l’office divin, il lui fallait trouver un moyen facile de répandre dans la foule les paroles liturgiques et de les graver promptement dans la mémoire des plus humbles chrétiens. L’église fut obligée alors d’adapter le texte sacré sur des chants populaires qui servirent d’artifice mnémonique à la propagation de sa doctrine. Tel est au fond le sens qu’il faut attacher à la création du chant ecclésiastique opérée tour à tour par saint Ambroise et saint Grégoire. Ces grands personnages, bien plus occupés de l’enseignement moral de l’église que de la constitution matérielle des mélodies, durent simplifier tous les moyens de vulgarisation qu’ils employaient et choisir dans les chants connus ceux qui pouvaient être le plus facilement retenus par l’oreille inexpérimentée de la foule. Cette opération très simple, qui a été souvent renouvelée depuis, et qui fut moins une réforme doctrinale et scientifique qu’un acte d’administration et de propagande morale, a fait écarter du chant ecclésiastique les modes trop compliqués du système musical des Grecs, qui était le seul existant alors. En un mot, l’église, qui est née au déclin d’une grande civilisation qu’elle venait remplacer, s’en est approprié les élémens, qu’elle a fait servir à de nouveaux besoins. Elle a transformé le monde antique sans rien créer d’absolument nouveau.

Les phénomènes de l’ouïe se divisent en deux grandes catégories : les Simples bruits, que l’oreille perçoit confusément sans pouvoir leur attribuer d’autre caractère que celui d’une intensité plus ou moins grande, et les sons proprement dits, qui produisent une impression distincte. Les sons musicaux, dont on mesure l’acutesse par le nombre de vibrations, forment une longue échelle sonore que se partagent la voix humaine et les divers instrumens créés par l’industrie des hommes. L’échelle sonore se subdivise en degrés ou intervalles plus ou moins distans les uns des autres, qui sont contenus et comme résumés dans l’unité plus grande de l’octave. C’est de la manière dont on parcourt l’espace limité par l’octave que résulte la sensation générale qu’on appelle tonalité. Y a-t-il plusieurs manières de diviser l’octave? Quels sont les degrés ou intervalles qu’on y peut faire entrer? L’oreille est-elle indifférente à toutes les combinaisons qu’on pourrait lui offrir? Quelle est l’influence de l’habitude et quelle est l’exigence de la nature dans les jouissances de cet organe mystérieux? Jusqu’où va sa tolé-