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ALEXIS DE TOCQUEVILLE
ET
LA SCIENCE POLITIQUE AU XIXe SIECLE

Œuvres et Correspondance inédites, publiées et précédées d’une notice par M. G. de Beaumont. Paris 1861.

À toutes les grandes époques de liberté intellectuelle, on a vu la philosophie s’unir à la politique, lui prêter ou en recevoir des lumières. Il en a toujours été ainsi chez les anciens, au moins dans les beaux jours et jusqu’au moment où les études politiques furent rendues tout à fait vaines et inutiles, en Grèce par la conquête romaine, à Rome par la perte de la liberté. Dans les temps modernes, cette alliance commence à se renouer vers le XVIe siècle ; elle se resserre en Angleterre au XVIIe. La politique des Stuarts et la politique de 1688 y ont chacune son théoricien, l’une dans l’auteur du Léviathan, l’autre dans l’auteur de l’Essai sur le gouvernement civil ; mais c’est surtout en France, au XVIIIe siècle, que l’union de la politique et de la philosophie a été brillante et féconde : Montesquieu, Rousseau, Turgot, Condorcet, en sont les témoignages les plus éclatans, mais non pas les seuls. Après la révolution, le même mouvement continue : Destutt de Tracy, Bonald, de Maistre, Royer-Collard, Lamennais, M. Guizot, M. Cousin, M. de Rémusat, M. Rossi, sont tous, à des degrés divers, philosophes et publicistes, et leur philosophie contient les principes de leur politique. Enfin, parmi ces nobles esprits, il faut placer au premier rang l’illustre publiciste enlevé à la France il y a deux ans, et dont les œuvres et la correspondance inédites viennent d’être données au public par les soins d’une amitié fidèle et religieuse. M. de Tocqueville, à la vérité,