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la meilleure preuve de l’indépendance du barreau romain. L’absence de toute loi qui autorise l’existence de ce collège, tandis que les corporations proprement dites étaient constituées en vertu de lois formelles, démontre en même temps la puissance de l’institution et ses affinités avec le droit naturel, qui n’attend pour se manifester aucun acte législatif.

À aucune époque même, le barreau romain ne fut soumis à une réglementation générale et complète. Des dispositions éparses vinrent seulement en gêner successivement la marche. D’abord ces dispositions n’atteignent en rien les prérogatives de la défense. Il semble, au contraire, qu’elles n’aient pour objet que de la placer sous la bienveillante protection de la loi. Telle est celle qui règle la défense d’office. Puis peu à peu, et à mesure que grandit le pouvoir absolu, le droit de la défense est affaibli par diverses mesures : on ne peut plus plaider sans y être autorisé par un édit du magistrat ; les avocats sont inscrits sur un tableau par rang d’ancienneté, mais leur nombre est limité. Il y a des avocats en titre et des avocats surnuméraires ou postulans, comme cela se voit aujourd’hui en Autriche, destinés à remplacer les premiers au fur et à mesure des vacances. Le nombre des avocats titulaires était de cent cinquante à la préfecture de Rome et de Constantinople ; il fut ensuite réduit à quatre-vingts par Justin. Il était de cinquante au barreau d’Alexandrie, de trente au barreau de Syrie, de seize dans les barreaux de province. L’exercice de la défense fut ainsi ramené à une véritable fonction ; cela est si vrai que l’admission à la plaidoirie fut enfin subordonnée, — et cela était logique, — à la permission spéciale du prince. Ainsi va l’autorité réglementaire : un empiétement succède à un autre, et l’engrenage dévore tout. Au bas-empire, que restait-il de ce barreau qui avait compté Hortensius et Cicéron ? A peu près rien ; le collège des avocats lui-même est presque assimilé aux corporations organisées et réglementées par l’état. En parlant des privilèges dont jouissait le barreau romain, M. Grellet-Dumazeau fait cette judicieuse remarque : « Les plus beaux privilèges des avocats ne furent jamais écrits, et ils existaient surtout à l’époque où la profession n’était point encore réglementée, ou ne l’était que d’une manière très incomplète. Pendant une longue période, toutes les magistratures de Rome et de son empire se recrutèrent dans le barreau. Les privilèges proprement dits, qui ne sont ordinairement que le salaire de la servitude, ne se produisirent que lorsque le barreau, cessant d’être accessible à tous, devint une sorte de fonction concédée nominativement par le prince, et limitée dans le personnel appelé à la remplir. » C’est la loi fatale du barreau de s’abaisser dès qu’il perd son indépendance. Aussi faut-il honorer les efforts