Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/153

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et de savoir à la justice ; ils sont confondus à la barre des tribunaux avec les intrus qui s’y présentent, et peuvent, avec un simple mandat, parler au nom des parties. On s’éloigna d’une carrière ainsi dénaturée, comme l’avait dit Robespierre, et dès 1792 furent fermés les registres de l’ancienne faculté de droit de Paris. Voilà où devait conduire l’erreur de l’assemblée constituante, et lorsque la convention, faisant un pas de plus, mais un de ces pas comme elle savait en faire, eut proclamé que, « si la loi donnait pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, elle n’en accordait point aux conspirateurs, » il ne resta plus au tribunal révolutionnaire qu’à fonctionner librement, et aux citoyens déclarés suspects qu’à porter silencieusement leur tête sur l’échafaud.

La faute de l’assemblée constituante avait été trop cruellement évidente pour qu’il ne vînt pas à la pensée de ceux qui l’avaient commise de chercher à restituer au barreau sa constitution et ses anciennes prérogatives. Malheureusement au despotisme de la convention avait succédé le pouvoir absolu de l’empire ; l’heure était peu favorable pour donner au barreau de l’éclat et de la force, bien que ce fût le vœu le plus ardent d’hommes éminens du conseil d’état On venait d’organiser la magistrature, les tribunaux, la procédure civile et criminelle ; on n’avait encore rien fait pour le barreau. Un projet de règlement fut enfin préparé. La rédaction en fut confiée à Treilhard, ancien membre de l’assemblée constituante, qui saisit l’occasion de réparer le mal qu’il avait laissé faire à une autre époque et dont il avait pu mesurer les conséquences. Le préambule du projet était conçu en termes élevés et fermes ; il rendait hommage « à la liberté, à l’indépendance et à la noblesse de la profession d’avocat » et déclarait « qu’en retraçant les règles de cette discipline salutaire dont les avocats s’étaient montrés si jaloux dans les beaux jours du barreau, » l’auteur de la loi entendait en même temps poser les bornes qui devaient séparer cette profession « de la licence, de l’insubordination et de la corruption. » Bien que ces derniers traits fussent lancés contre les praticiens qui s’étaient emparés de la barre des tribunaux depuis la révolution, ils parurent trop forts, et à une nouvelle rédaction le mot de « corruption » disparut. Ce projet ouvrait la porte aux plus essentielles prérogatives du barreau : il laissait le conseil de discipline et le bâtonnier à la nomination de l’ordre entier des avocats, donnait au bâtonnier le droit de convoquer le conseil, et enfin restituait à 1 ordre son tableau. Ce projet fut envoyé à l’empereur, qui le trouva fort mauvais ; il ne comprenait pas qu’on laissât au barreau le soin exclusif de sa discipline, et qu’il lui fût permis de choisir ses pairs alors que l’élection avait cessé de fonctionner sur tous les points de la