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dès qu’il fut question de l’organiser, et l’atteignit en réalité assez profondément pour lui ôter toute espèce d’importance sous son règne.

Le barreau n’a retrouvé son tableau, ses élections et ses franchises qu’avec le gouvernement du roi Louis-Philippe. L’ordonnance du 27 août 1830 a marqué la plus haute expression de sa liberté et de son indépendance. Elle est encore en grande partie la charte du barreau français ; nous disons en grande partie, car deux mesures ont touché le barreau depuis cette époque : la révolution de 1848 lui a imposé la patente, contribution qui jusque-là n’avait atteint que le commerce et l’industrie, et dont le principe est peu conciliable avec ce que nous savons de cette institution libérale. D’un autre côté, le décret du 22 mars 1852 a restreint l’élection du bâtonnier, et l’a confiée aux seuls membres du conseil de l’ordre ; elle appartenait auparavant à l’ordre tout entier. Il faut ajouter que, depuis 1851, la connaissance des délits de presse a été enlevée au jury et transportée aux tribunaux correctionnels, devant lesquels la publicité des débats est limitée à celle de l’audience même ; dans les causes de ce genre, le compte-rendu des plaidoiries est sévèrement interdit. C’est une de ces causes qui a donné lieu à l’incident dont nous avons parlé au commencement de cette étude, et fait naître la question de prérogative à laquelle nous n’avons voulu arriver qu’après avoir exposé dans son principe même l’organisation du barreau. Voyons maintenant quelle latitude est laissée à la défense pour l’accomplissement de son œuvre auprès de la justice.


III

L’avocat doit être libre, non pour devenir à son tour un instrument d’oppression, mais au contraire afin de porter secours à l’opprimé ; il doit être libre parce que la défense et la liberté ne font qu’un. Or qui dit liberté de la défense dit nécessairement liberté de la parole. Jusqu’où peut aller cette liberté ? La limite n’a jamais été fixée. Pourrait-elle l’être ? Longtemps deux écoles ou deux opinions ont été en présence, l’une qui réclame la liberté absolue, l’autre qui veut réglementer la plaidoirie et lui tracer une voie plus ou moins restreinte. Cette dernière école était celle de Filangieri. C’est la même qui avait placé la clepsydre devant l’avocat dans l’antiquité, et aspirait à mesurer la longueur du raisonnement, la durée des mouvemens oratoires. Nous nous trompons : pour cette école, il n’y a pas de mouvemens oratoires ; elle punit l’éloquence comme un délit. « Je ne sais pourquoi, dit Filangieri, on punit le défenseur