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L’INSURRECTION CHINOISE.

publié à Londres sous le nom de The Chinese and general Missionary gleaner, en l’accompagnant d’assez curieux commentaires. Ainsi le personnage mystérieux à longue barbe ne serait autre qu’un certain Liang-a-fa, ancien ouvrier typographe du docteur Morrisson, qui avait aidé son savant maître à imprimer la Bible, et qui avait lui-même écrit quelques traités religieux, entre autres celui des Paroles salutaires. Liang-a-fa avait été arrêté précisément à Canton, pour avoir distribué, un jour d’examen littéraire, quelques-uns de ses écrits. M. Roberts se souvient d’avoir reçu chez lui en 1846 ou 1847 deux jeunes Chinois de Canton, qui lui demandèrent de vouloir bien les instruire dans la religion chrétienne. L’un d’eux ne resta que peu de jours dans la maison du missionnaire ; mais l’autre y passa trois ou quatre mois et se fit remarquer par son caractère studieux aussi bien que par ses rapides progrès dans la science des Écritures. Il allait être baptisé au moment où il quitta M. Roberts pour se rendre dans le Kouang-si. Quelques jours avant son départ, il lui avait remis une narration écrite qui renfermait de longs détails sur diverses circonstances de sa vie passée. En rapprochant cette narration du récit que lui avait communiqué son confrère de Hong-kong, le docteur Roberts ne douta plus de la complète identité de son jeune élève et de Hong-siou-tsiouen, le chef de la rébellion chinoise.

Je ne suspecte pas un instant la parfaite sincérité des deux missionnaires protestans, mais je n’en puis dire autant du Chinois de Canton qui leur a remis la relation écrite où il est parlé de Hong-siou-tsiouen et de l’origine de l’insurrection. Je ne serais pas étonné que cet homme, obéissant à des instincts de fourberie qui ne sont que trop naturels à sa race et profitant de la connaissance qu’il avait acquise de l’arrestation de Liang-a-fa à Canton ainsi que du séjour des deux Chinois chez M. Roberts, ne se soit amusé à bâtir un récit de sa façon pour exploiter une crédulité que l’amour-propre satisfait rendait peut-être trop facile. Je demanderai à tous ceux qui ont adopté ce récit quelle part ils font dans l’insurrection aux sociétés secrètes, à ce vaste réseau de conspirations qui a déjà failli si souvent embrasser et étouffer les Tsing. Je ne puis admettre que ces sociétés, qui ne cherchaient qu’une occasion d’agir, aient laissé prendre leur place par une poignée de récens convertis.

Je porterai à l’avance le même jugement sur le troisième système, dont il me reste à parler, en faisant seulement remarquer qu’il est moins connu que le précédent, et que les personnes modestes qui l’ont conçu l’ont toujours exposé sous toutes réserves, quoiqu’il paraisse sous certains rapports plus admissible que le précédent.

On connaît la fin tragique du dernier empereur de la race des Ming, Tsoung-tching, qui, assiégé à Pékin par une armée rebelle