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temps ils empruntent le prix d’acquisition : ils émettent entre eux des obligations et des actions qui représentent la part proportionnelle de leurs fournitures, le salaire des ouvriers, enfin leurs bénéfices. Jusqu’ici, on a pu négocier ces titres, ou au moins ceux qui constituent des créances véritables sur les immeubles eux-mêmes ; mais on conçoit dans quelle série inextricable de difficultés légales la faillite ou la mort de l’un des associés pourrait et devra même certainement précipiter la liquidation de ces affaires. Déjà avant 1848 un important immeuble, la boucherie des Terreaux, avait été construit au capital de 2,600,000 francs par une société civile. À la même époque, de vastes bâtimens, compris dans l’actif de la faillite d’un banquier de Grenoble, furent mis en parts. Depuis lors, des mutations ont eu lieu dans la propriété de ces immeubles, et, par suite des difficultés légales survenues, la négociation de ces parts a produit les plus graves mécomptes. Il est de toute évidence que des affaires de ce genre ne peuvent prospérer que sous forme de sociétés anonymes.

La Société des ports de Marseille est une véritable société immobilière, créée plutôt cependant pour préparer et pour vendre des terrains propres à la construction que pour élever des constructions mêmes. Créée au capital de 16 millions en actions et de 10 millions en obligations, elle a acquis de la ville de Marseille, au prix de 50 francs le mètre, 400,000 mètres de terrain, dépendant de l’ancien lazaret ou conquis sur la mer au moyen des déblais fournis par le nivellement des collines sur lesquelles le lazaret avait été construit. Le gouvernement de 1830 avait décidé que de nouveaux ports seraient creusés pour répondre aux exigences commerciales d’une destinée singulièrement agrandie ; mais ces ports étaient éloignés du centre même des habitations : il fallait d’abord créer à l’entour presque l’emplacement d’une nouvelle ville. Telle est l’œuvre de la société immobilière dont il s’agit, telle est la destination des terrains achetés par elle. Le nivellement de ces terrains, l’ouverture des voies publiques et le raccordement de ces rues avec les quartiers voisins, la construction des égouts et des trottoirs ont été faits par la ville, et ces diverses dépenses réunies atteindront le chiffre de 7 ou 8 millions. La société s’est d’abord occupée de la revente des terrains, dont une grande partie a été livrée à des prix variant de 100 à 300 francs le mètre ; ensuite elle a élevé en façade, sur le quai de la Joliette, un îlot de belles constructions qui ont coûté plus de 2 millions, et où sont venues s’installer les principales compagnies de navigation à vapeur, les bureaux des docks, du chemin de fer, de l’entreprise du canal de Suez. D’autres constructions, qui nécessiteront encore une dépense d’environ 3 millions, sont en voie