Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/243

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le gouvernement a voulu cette année donner une nouvelle impulsion au développement des chemins de fer. Il a décidé l’exécution de vingt-cinq lignes nouvelles et la construction des grandes lignes de l’Algérie. Seulement, comme les lignes projetées ne sont que des embranchemens qui ne donnent point des espérances de trafic immédiatement avantageux, le gouvernement est revenu sur la politique rigoureuse qu’il avait adoptée depuis quelques années en matière de chemins de fer. Il ne donnait plus aux capitaux appelés vers ces entreprises qu’une garantie d’intérêt ; l’attrait de cette garantie eût été insuffisant pour amener les capitaux privés au troisième réseau, celui que l’on présentait cette année. Le gouvernement s’est donc décidé à employer, pour l’exécution de ce troisième réseau, le système de la loi de 1842, c’est-à-dire qu’il prendra à sa charge plus de la moitié des frais d’établissement de ces chemins de fer. Il appliquera le même système à la construction des chemins algériens. De ces deux chefs, les engagemens qu’il contracte ne peuvent pas être estimés à moins de 300 millions. Si l’on récapitule la dette contractée avant 1857, celle qui a été encourue depuis, les charges prises dans la construction du troisième réseau et des chemins algériens, on voit que l’état est en présence d’une dépense extraordinaire, s’étendant sur plusieurs années, d’environ 500 millions.

Il valait assurément la peine de prendre en considération dans une vue d’ensemble les voies et moyens d’un budget extraordinaire qui arrive déjà à un chiffre si considérable. Il y avait d’autant plus d’intérêt à ouvrir à ce sujet une discussion générale, que l’état, à en juger par le projet présenté sur les obligations trentenaires, paraît s’engager dans une voie financière qui soulève de vives critiques, et eût offert à cette discussion une occasion toute naturelle. Il semble en effet que, manquant lui-même de vues d’ensemble, trompé par la préoccupation d’éviter, sinon la réalité, du moins l’apparence d’un emprunt, le gouvernement va mettre sur le marché un fonds d’une nouvelle espèce, l’obligation trentenaire, que l’on ne s’attendait point à voir se produire. Voici l’histoire de l’obligation trentenaire.

Cette obligation fut un expédient inventé en 1857 pour éviter le déficit apparent dans les budgets de 1857 et 1858. L’état, à cette époque, devait aux compagnies de chemins de fer 200 millions payables dans un espace de douze années. Les premières échéances, celles de 1857 et de 1858, étaient considérables et auraient rompu l’équilibre des budgets. On imagina alors d’ajourner le paiement de la dette et d’en répartir la liquidation sur un espace de trente années. De la sorte, on ne devait inscrire au budget annuel qu’une somme équivalente à l’intérêt et à l’amortissement de la dette, et la charge, en s’étendant sur trente années, s’atténuait relativement pour les premières, celles qui auraient été lourdement frappées, si l’on eût payé aux échéances précédemment indiquées. De là naquit l’idée du titre appelé obligation trentenaire, titre portant 20 francs d’intérêt, remboursable à 500, émis aux environs de 450, et que l’on se proposa de remettre aux compagnies