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que, dans la prochaine session, le corps législatif n’éprouverait point les mêmes retards dans la présentation des projets de loi. La promesse est bonne, et nous y comptons ; nous aimerions mieux cependant que les députés eussent au moins le droit d’interpellation, ne fût-ce que pour régler d’accord la marche et l’ordre des travaux de la chambre. Ces explications mutuelles sur ce que les Anglais, appellent the conduct of business, renouvelées à plusieurs reprises dans le courant des sessions, régularisent et facilitent beaucoup les travaux de la chambre des communes. Ne pourrait-on avoir ici, au corps législatif, quelque prérogative analogue ? La précipitation, et par conséquent les fautes d’omission qui ont marqué la fin de la session actuelle du corps législatif, montrent qu’il serait à propos de combler promptement cette lacune.

Le grand événement extérieur est la reconnaissance du royaume d’Italie par le gouvernement français. Cet acte s’est accompli dans les conditions et avec la mesure que nous avions désirées, et nous ne saurions trop louer M. Thouvenel du remarquable mélange de fermeté et de délicatesse qui distingue les dépêches importantes écrites par lui à cette occasion. En reconnaissant le royaume d’Italie, la France devait naturellement affirmer les principes qui ont eu le double avantage de nous dépêtrer des engagemens de Villafranca et de maintenir la paix : le principe d’intervention et la déclaration faite au moment de l’entrevue de Varsovie par laquelle nous laissions désormais à l’Italie la responsabilité de ses futures résolutions. Ces deux principes ne couvrent pas seulement l’Italie, ils la rendent vraiment à elle-même, l’affranchissent de toute ingérence, et, s’ils l’obligent à la prudence, lui assurent du moins dans l’avenir tout le mérite et l’honneur de ses succès. L’on avait redouté un moment que la France ne mît des conditions à sa reconnaissance ; cette crainte était absurde : un acte de reconnaissance n’est point un traité. La France ne pouvait point empiéter sur la liberté d’action de l’Italie au moment même où elle reconnaissait l’œuvre que cette libre action a produite ; elle ne devait faire de réserves que pour son propre compte. Telle a été la réserve exprimée au sujet de Rome ; encore cette réserve n’est-elle point absolue, elle est subordonnée à une solution, si elle est possible, qui garantirait l’indépendance du saint-siège. Les Italiens ne doutent point, et nous croyons qu’ils ont raison, qu’une telle condition ne se puisse concilier avec l’aspiration nationale et la nécessité politique qui les portent à Rome comme à leur capitale naturelle. Nous trouvons donc que M. Ricasoli a fait un acte de franchise et à la fois d’habileté en revendiquant la prétention de l’Italie sur Rome au moment même où la France lui annonçait qu’elle restait à Rome. La présence de nos troupes dans cette ville et plus encore les intérêts religieux qui s’attachent à la papauté enlèvent à la question romaine le caractère d’une question qui se puisse trancher par la force. Ce problème ne doit être résolu que par des moyens moraux. C’est l’honneur des hommes qui sont à la tête du gouvernement italien de ne point songer à employer des moyens différens et de