Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/250

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O’Donnell arrivait au pouvoir en 1858, il trouvait la situation constitutionnelle de l’Espagne assez troublée et assez indécise. Il y avait une réforme votée par les chambres, mais encore inachevée ; elle devait être complétée par une loi sur les majorats et par une réglementation nouvelle des débats parlementaires., Que pouvait faire un ministère sérieusement libéral ? Rien n’était moins compliqué, ce semble. Le gouvernement nouveau n’avait qu’à se rattacher à la constitution pure et simple. Il a cependant flotté jusqu’ici entre toutes les résolutions, tantôt acceptant la réforme, mais manifestant l’intention de ne point présenter les lois complémentaires, tantôt faisant un pas en arrière et se montrant décidé à présenter ces lois pour en venir enfin à proposer l’abolition de la réforme tout entière. C’est là justement le système d’inaction et d’ambiguïté dont on s’est fait un grief contre le ministère, et c’est de là qu’est né, à la fin de la session, un incident qui, sans ébranler absolument la majorité, laisse voir le travail de scission qui s’accomplit. Un homme qui a été un des premiers, un des plus éloquens défenseurs et même presque l’inventeur ou tout au moins le théoricien de l’union libérale, s’est séparé ouvertement du cabinet, et il lui a déclaré la guerre dans le parlement après avoir renoncé à sa position d’ambassadeur à Rome. M. Rios-Rosas avait, d’autant plus de droits à prendre ce rôle, que dans une session précédente il s’était chargé, avec le consentement du cabinet, de formuler dans l’adresse à la reine le programme de la politique à suivre, et c’est de cette politique même qu’il s’est armé en passant dans le camp des dissidens. M. Rios-Rosas n’a point réussi sans doute à entraîner du premier coup la majorité dans son évolution ; mais il a porté une alluvion de plus dans une opposition croissante. Il a élevé un drapeau nouveau d’union libérale en face du drapeau quelque peu usé du gouvernement, et il a mis à nu, d’une façon bien plus tranchée, cette condition d’un cabinet qui se défend moins par ses œuvres et par la netteté décisive de sa politique que par l’ascendant personnel du président du conseil, qui s’applique moins à combiner un système d’action qu’à empêcher des hommes de toutes nuances de se disperser.

Cette ambiguïté qui tend à se communiquer à tout en Espagne, qui crée une situation vraiment indéfinissable, n’apparaît pas seulement en tout ce qui touche à la marche intérieure du pays ; elle règne surtout dans la politique extérieure, et elle fait à l’Espagne une position assez difficile à préciser. Les questions extérieures ne sont pas évidemment du goût du gouvernement ; il les a éludées le mieux qu’il a pu, et même lorsqu’à toute extrémité il a dû accepter la discussion dans les chambres, il n’est pas arrivé à éclaircir le mystère. Ce qu’il y a de plus étrange à coup sûr, c’est l’attitude que l’Espagne a prise et qu’elle garde encore dans les affaires d’Italie. Au premier abord, s’il était en Europe un pays qui parût devoir suivre d’un sentiment sympathique un mouvement de nationalité et d’indépendance, et qui de plus n’eût aucun intérêt à s’attacher obstinément à ces éternels traités de 1815, c’était certainement l’Espagne. Et cependant quelle est la politique espagnole depuis deux ans ? Le ministre des affaires étrangères, M. Calderon Collantes, l’a exposée dans les cortès, et elle n’est pas devenue plus claire, ou plutôt ce qu’il y a de visible, c’est un sentiment mal déguisé d’hostilité à l’égard de l’Italie. Que l’Espagne, comme nation catholique,