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comme monarchie liée dynastiquement à la royauté des Deux-Siciles, eût joint ses efforts à ceux de l’Europe pour conjurer par des conseils libéraux les catastrophes qui ont atteint le saint-siège et le roi de Naples, et que, les événemens une fois accomplis, elle eût déposé une de ces protestations qui sont un devoir et une réserve, rien n’était plus simple. Ce qui est moins compréhensible, c’est une politique proclamant qu’elle ne fera rien parce qu’elle ne peut évidemment rien faire, et en même temps s’agitant, se démenant, laissant éclater son antipathie contre tout ce qui se fait au-delà des Alpes, entretenant encore un ambassadeur auprès du roi de Naples, élevant des difficultés sur ce mot de royaume d’Italie, tout comme la Bavière et le Wurtemberg. L’Espagne, dans ses relations avec l’Italie, est arrivée par le fait à réunir tous les inconvéniens de l’intervention et de la non-intervention, de l’impuissance et de l’esprit agressif.

Le mot de cette politique, il faut bien le dire, c’est une mauvaise humeur contre la France que nous avons eu plus d’une fois à constater, et qui se manifeste en ce moment encore à l’occasion de la reconnaissance du royaume d’Italie. Depuis quelque temps en effet, c’est un malheureux penchant qui règne à Madrid de se livrer à toute sorte de polémiques contre la France. C’est la France qui a tout fait en Italie et qui menace l’Espagne elle-même de ses plans de conquête. À Madrid aussi bien qu’en Allemagne, il y a des journaux qui tracent de nouvelles cartes de l’Europe et qui démembrent quelque peu la France au profit de l’Espagne. C’est notre Gascogne qui s’en irait cette fois au sud, tout comme l’Alsace et la Lorraine s’en iraient au nord. Le gouvernement espagnol, nous ne l’ignorons pas, n’est nullement complice de ces fantaisies de polémique. Le malheur est qu’il leur offre quelque prétexte par les incertitudes de sa politique et par la position qu’il a prise dans les affaires d’Italie. Chose étrange, dans de telles questions, où tous les intérêts du libéralisme sont engagés, l’Espagne n’est ni avec l’Angleterre et la France, ni avec l’Italie, ni avec tous les états qui en viennent peu à peu à reconnaître le royaume de Victor-Emmanuel ; elle n’est ni avec la Prusse, qui n’a cessé d’avoir un ministre à Turin, ni avec la Russie, qui s’abstient encore sans malveillance. Elle est avec l’Autriche, on vient de le voir récemment par la démarche que l’Espagne a faite en commun avec l’Autriche auprès du gouvernement français, en apparence pour provoquer une délibération des puissances catholiques sur les affaires du saint-siège, et au fond pour essayer de conjurer la reconnaissance imminente du royaume d’Italie.

Que l’Autriche ne néglige aucune occasion de protester contre tout ce qui s’accomplit en Italie et de se prononcer en faveur de la restauration de tous les pouvoirs, de manifester ses préférences pour la seule solution possible à ses yeux, celle d’une intervention armée, elle est dans son droit, elle suit la logique de ses traditions et de ses intérêts. Nous nous demandons par quelle étrange déviation l’Espagne se trouve aujourd’hui conduite à professer la même politique que l’Autriche dans les affaires d’Italie. L’Espagne semble fort préoccupée de maintenir son droit de figurer dans le congrès où se régleront les questions italiennes. C’est un droit qui ne lui est point disputé. Seulement, le jour où le congrès s’ouvrira, l’Italie ne viendra pas demander la sanction d’un droit qui se passera parfaitement