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de validation ; elle demandera simplement le respect d’une nationalité reconstituée et indépendante de toutes les autorisations diplomatiques ; c’est un droit que l’Espagne sera fort peu en mesure de contester. Et dès lors ne vaudrait-il pas mieux dès ce moment reconnaître ce qu’on ne peut empêcher, porter le secours de ses sympathies à la résurrection spontanée d’un peuple ? C’est même le meilleur moyen d’agir utilement dans l’intérêt de la situation nouvelle du saint-siège, dont il serait aussi impossible de reconstituer le pouvoir temporel dans son intégrité que de refaire l’Italie d’il y a un siècle. C’est pour avoir méconnu ce qu’il y a de puissance dans ce mouvement italien que l’Espagne s’est engagée dans cette voie d’une politique qui n’est ni franchement absolutiste ni libérale, et qui la laisse en définitive fort bien avec l’Autriche, il est vrai, mais fort mal avec l’Italie, dont elle devrait être la première alliée, en même temps qu’elle l’isole de la France et de l’Angleterre. Et voilà comment le cabinet du général O’Donnell a conduit la péninsule à une de ces situations où une impuissance réelle se cache sous des velléités d’action inévitablement obligées de s’arrêter en chemin.

C’est là malheureusement l’essence de la politique du ministère espagnol, qui flotte entre la tentation d’agir et un sentiment de responsabilité toujours prompt à se réveiller, quoiqu’il se réveille quelquefois tardivement. Le cabinet de Madrid s’est trouvé engagé depuis quelque temps dans des affaires extérieures qui n’ont pas peu contribué à mettre en relief l’incertitude de son action, et qui en définitive le laissent en présence de difficultés sérieuses, de nature à embarrasser singulièrement le rôle de l’Espagne dans le Nouveau-Monde. Il y a un an, peut-être sous l’influence excitante de la campagne du Maroc, il envoyait une grande ambassade au Mexique, avec la mission de veiller à l’exécution d’un traité récemment signé, et d’exiger des satisfactions pour des Espagnols atteints dans leur vie et dans leur fortune. L’ambassadeur était M. Joaquin Francisco Pacheco, un ancien président du conseil, un homme considérable par son talent, sa position et son caractère. Au milieu de l’affreuse guerre civile qui désolait le Mexique, entre deux partis qui se disputaient le pays, et dont l’un était représenté par le jeune général Miramon, l’autre par un petit Indien opiniâtre, M. Benito Juarez, c’était peut-être une faute de mettre en jeu de si grands moyens diplomatiques, de compromettre une ambassade si relevée. Quoi qu’il en soit, M. Pacheco, exécutant ses instructions, partait pour le Mexique et commençait par reconnaître le général Miramon, puis il se tournait vers M. Juarez, maître de la Vera-Cruz, pour lui demander satisfaction de violences commises par ses chefs militaires contre des Espagnols. M. Juarez éludait avec la ruse et l’opiniâtreté d’un Indien, et dès ce moment M. Pacheco se trouvait réduit, sous peine de se borner à une démarche ridicule, à faire appel aux forces navales espagnoles de l’île de Cuba pour agir contre la Vera-Cruz ; mais, soit qu’il n’eût pas reçu des instructions identiques, soit qu’il prît sur lui de ne point obtempérer aux réquisitions de M. Pacheco, le capitaine-général de l’île de Cuba retardait l’envoi des forces navales. Pendant ce temps, la guerre civile mexicaine se dénouait par la défaite du général Miramon ; M. Juarez entrait comme chef du pouvoir à Mexico, et son premier acte était d’expulser brutalement M. Pacheco, sans tenir compte