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sur ces états de son voisinage, à leur profit aussi bien qu’au nôtre, car c’est elle seule qui peut établir la régularité, l’ordre et partout la prospérité et le bien-être au milieu des races diverses et turbulentes dont les intérêts, les passions et le fanatisme sont en lutte autour d’elle. Les produits qu’elle tire de ces contrées sont abondans et variés. Ils consistent en or, ivoire, cire, gommes, arachides, graines oléagineuses, mil, bestiaux, et aussi en coton et en indigo. Ces dernières cultures, auxquelles certaines parties du sol se trouvent être très favorables, sont pratiquées déjà dans le Gadianga et le Bondou, et constituent un des élémens de leur commerce. Le chiffre des importations et exportations pour le Sénégal monte à 10 ou 12 millions ; celui du commerce de Gorée ne s’élève guère à moins de 10 millions, et M. Faidherbe évalue à environ 30 millions la totalité du mouvement commercial français qui se fait à la côte occidentale d’Afrique. La population de la colonie, qui en 1854 ne s’élevait qu’à 17,466 habitans, était montée en janvier 1858 à 35,000. Les forces militaires dont elle dispose consistent en cinq compagnies de tirailleurs indigènes, une compagnie d’artillerie de marine, un détachement de sapeurs du génie, un escadron de spahis français et indigènes, en milices de Saint-Louis et des postes. Elles comprennent aussi douze bâtimens armés en guerre, dont six avisos à vapeur et trois canonnières à hélice, montés par ces équipages noirs appelés laptots, qui sont nombreux et aguerris.

Ces forces mettent aujourd’hui à profit la période de repos qui a succédé aux agitations belliqueuses des Trarzas et du Fouta-Sénégalais, pour explorer au loin le pays, en étudier les ressources, en reconnaître avec précision la configuration géographique, et nouer des relations commerciales dans le désert et le Soudan. Une série d’expéditions, que nous ne pouvons ici que mentionner, viennent ainsi d’être conduites dans toutes les directions par de hardis et intelligens officiers. En 1859, MM. Hazan et Lambert ont exploré le Djolof. Ce dernier est retourné en 1860 sur la Haute-Gambie et dans le Fouta-Dialon. M. Mage, enseigne de vaisseau, est parti de Bakel et remonté dans l’oasis du Tagant, qui est une des étapes menant au Maroc. Durant cette même année 1860, si fructueuse pour la géographie de ces régions, M. le lieutenant Pascal a complété dans le Bamboula les anciennes explorations du voyageur Raffenel, et le premier visité la cataracte de Gouïna. Enfin un autre lieutenant d’infanterie de marine, M. Vincent, a accompli par les pays des Triris et d’Adrar, du sud au nord, le long de la côte de l’Atlantique, la moitié du trajet qui sépare notre colonie du Maroc.

On voit, par ce rapide exposé des derniers faits qui se sont accomplis dans notre colonie du Sénégal, quelle grande extension la France prend dans cette région de l’Afrique. Qu’elle réoccupe au nord l’île d’Arguin, dont jadis elle avait pris possession, qu’elle étende au sud son influence sur le Cayor de façon à relier Saint-Louis à Gorée, qu’elle échelonne quelques postes encore au-delà de Médine, dans la direction du Niger, et nous serons maîtres à la fois, avec le Sénégal pour point de départ et pour centre, des chemins qui mènent au Maroc, aux régions aurifères du Soudan et à Tombouctou.


ALFRED JACOBS.


V. DE MARS.