Où donc en suis-je ? Suis-je marié ?… « Il me semble que je vous ai enfin compris… » Voilà où elle veut en venir… « Puisque tout est décidé ! » Mais dans ce moment je ne puis la souffrir ! Ah ! fanfaron que je suis ! je me suis tant vanté devant Moukhine, et voilà qu’à cette heure… A quelle élucubration poétique me suis-je donc livré ! Il ne manquait plus que la phrase sacramentelle : « Parlez à maman !… » Fi !… Quelle sotte position ! Il faut pourtant en sortir d’une façon quelconque. Stanitzine arrive fort à propos. O destinée ! destinée ! dis-moi, de grâce, si tu te moques de moi, ou si tu viens à mon secours ? (Entre Stanitzine. Il est élégamment vêtu. De la main droite il tient son chapeau, de la gauche un sac de papier. Son visage est agité. à la vue de Gorski, il s’arrête tout court et rougit subitement. Gorski s’élance à sa rencontre et lui tend les bras.) Bonjour, Vladimir Petrovitch, que je suis content de vous voir !…
Et moi… aussi… Comment cela va-t-il ?… Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ?
Depuis hier, Vladimir Petrovitch.
Tout le monde va bien ?
Tout le monde, sans exception, Vladimir Petrovitch, à partir d’Anna Vassilevna jusqu’au petit chien que vous avez donné à Vera Nicolaevna… Et vous-même, comment allez-vous ?
Moi… Dieu merci… Où est-elle ?
Au salon… on y joue un boston.
De si bonne heure… Et vous ?
Je suis ici, comme vous le voyez. Qu’apportez-vous là ? Une offrande sans doute ?
Oui. Vera Nicolaevna demandait l’autre jour… J’ai fait venir ces bonbons de Moscou.
De Moscou ?
Oui, ils y sont meilleurs ; mais où est Vera Nicolaevna ? (Il pose son chapeau et ses bonbons sur une table.)
Il me semble qu’elle est au salon… Elle regarde jouer au boston.
Quel est ce nouveau visage ?