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gueur et l’expulsèrent de la province, pendant que Hiang-yong, général de l’armée du Hou-nan, prenait le commandement en chef des troupes du Kouang-si et battait les insurgés en plusieurs rencontres.

Ces premières victoires des impériaux n’eurent aucun résultat décisif. Pendant l’année suivante, la guerre n’étend pas encore ses ravages au-delà des frontières du Liang-kouang ; mais l’audace et les forces de l’insurrection semblent s’accroître en même temps que diminuent les ressources de ses adversaires : elle tente de plus grandes entreprises, s’attaque à des villes plus importantes, et ces nouveaux succès préparent ses soldats, déjà nombreux et aguerris, à l’accomplissement de la tâche nationale qui est le but de leurs chefs.

Au commencement de 1851, le commissaire impérial Li-sing-youen, qui avait succédé à Lin, écrivit un rapport à l’empereur pour implorer la généreuse assistance du trésor. 500 000 taëls avaient été dépensés déjà, et la rébellion n’était pas vaincue. Li-sing-youen en demandait 300 000 autres[1]. Ce n’était pas cependant qu’il négligeât aucun moyen de se procurer de l’argent : il avait établi à Koueï-linn et à Canton deux bureaux de perception dont toutes les recettes étaient destinées aux caisses militaires. Quelques jours plus tard, il sollicitait encore l’autorisation d’employer aux besoins de l’armée une somme de 120 000 taëls en lingots d’argent, qui devaient être envoyés à Pékin en passant par le Kouang-si. Ainsi, aux débuts mêmes de l’insurrection, alors que le gouvernement tartare n’avait à lutter contre ses progrès que dans une seule province de l’empire, près de 7 millions de francs avaient été dépensés sans succès décisifs par les autorités impériales, et les ressources extraordinaires créées pour seconder leurs efforts ne suffisaient même pas aux frais de la guerre.

Li-sing-youen ne porta pas longtemps le poids de ses fonctions. Attaqué d’une maladie mortelle et sentant sa fin approcher, il remit les sceaux de sa dignité au gouverneur du Kouang-si, et adressa son dernier rapport à l’empereur. « Moi, le serviteur de votre majesté, disait-il en terminant, j’ai commandé l’armée pendant plusieurs mois sans avoir pu exterminer les rebelles, et, étant arrivé avec mes soldats dans un pays malsain, je suis tombé mortellement malade. Je n’ai pu vaincre la révolte, j’ai donc manqué à mes devoirs de fidélité envers mon souverain ; je n’ai pu secourir ma vieille mère dans l’infortune, je n’ai donc pas su pratiquer la piété filiale. Aussi

  1. Le taël ou liang vaut en moyenne 7 francs de notre monnaie ; il représente un poids d’argent pur d’environ 38 grammes.