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GORSKI.

Je propose de faire atteler la voiture et d’emmener toute la société au bois.

MADAME LIBANOF, d’un air attendri.

Avec plaisir. Varvara Ivanovna, mon cœur, donnez des ordres.

VARVARA IVANOVNA.

À l’instant. (Elle sort.)

GORSKI.

Je suis gai comme un pinson aujourd’hui. (A part.) Tous ces événemens me font monter le sang à la tête. Je suis comme un homme ivre… Mon Dieu ! qu’elle est charmante ! (Haut.) Apprêtez-vous, partons, partons, (A part, regardant stanitzine, qui s’approche gauchement de Vera.) Sois tranquille, l’ami, je m’occuperai de tes affaires pendant la promenade, je te ferai apparaître dans tout ton éclat. Que j’ai le ton léger !… fi !… Et que d’amertume !… Qu’est-ce que cela fait ? (Haut.) Mesdames, allons à pied, la voiture nous suivra.

MADAME LIBANOF

Allons ! allons !

MOUKHINE.

Qu’as-tu donc, Gorski ? on te dirait possédé du démon !

GORSKI.

Du démon, c’est vrai… Anna Vassilevna, donnez-moi votre bras… Je reste toujours votre maître des cérémonies, n’est-ce pas ?

MADAME LIBANOF

Oui, oui, Eugène, certainement.

GORSKI.

C’est fort bien ! Vera Nicolaevna, veuillez prendre le bras de Stanitzine… Mademoiselle Bienaimé, prenez mon ami M. Moukhine… Et le capitaine, où est le capitaine ?

TCHOUKHANOF, sortant de l’antichambre.

Qui est-ce qui m’appelle ? Toujours à mon poste.

GORSKI.

Capitaine, donnez votre bras à Varvara Ivanovna, la voilà qui vient juste à propos. (Varvara Ivanoma entre.) à la grâce de Dieu ! marche ! La voiture nous rejoindra. Vera Nicolaevna, vous ouvrez la procession ; Anna Vassilevna et moi, nous formerons l’arrière-garde.

MADAME LIBANOF, bas à Gorski.

Ah ! mon cher, si vous saviez combien je suis heureuse aujourd’hui ?

MOUKHINE, à l’oreille de Gorski, en s’arrêtant sur place avec mademoiselle Bienaimé.

Bien, mon ami, bien. Tu ne perds pas courage ; mais reconnais avec moi que — trop menu le fil casse.



I. TOURGUENEF.