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plus ancien. Il subsiste néanmoins sur tout cela des incertitudes que d’excellens travaux n’ont pas réussi pleinement à dissiper.

La Maison-Carrée, comme on sait, n’est point une maison, et n’est point carrée. C’est un temple oblong, quadrangulaire, ayant, à la manière de l’antiquité, sa façade sur son petit côté, et cette façade est un péristyle élégant, de l’ordre corinthien. Les deux colonnes de chaque extrémité se continuent par une file de colonnes engagées dans les murs latéraux, ce qui n’est pas aussi élégant que la façade, mais ce qui était racheté, caché, sauvé par une large colonnade détachée du monument, et qui l’environnait de tous côtés. On voit à la surface de l’ancien sol naturel d’une excavation régulière, au milieu de laquelle le temple s’élève sur son soubassement reconstruit, les traces et les bases de cette ancienne colonnade, en sorte que le plan de l’ensemble se lit en quelque sorte sur le terrain. Il n’en résulte pas qu’on sache avec une certitude absolue ce qu’était la Maison-Carrée. Elle a porté vulgairement le nom de capitole, de capdueil, dans le patois cisalpin, ou de campidoglio) comme à Rome. Il n’y a que notre Toulouse pour écrire hardiment au fronton de sa municipalité : CAPITOLIUM. Le monument de Nîmes serait donc alors une basilique, c’est-à-dire un bâtiment civil. Cependant l’usage a prévalu de le regarder comme un temple, et un temple faisant face à d’autres constructions dont on retrouve les vestiges. Malgré les doutes qui obscurcissent encore certaines dispositions locales et la destination de certains édifices connus seulement par leurs fondations, on se les représente au moins à leur place, et l’on a quelque idée de ce quartier monumental, peut-être aussi romain qu’aucune chose qu’on voie en Italie.

Je ne sais si c’est une idée aussi heureuse pratiquement qu’elle est ingénieuse d’avoir fait un musée de la Maison-Carrée : à la bonne heure, si elle était un musée d’antiquités et ne contenait que ses remarquables mosaïques et ses fragmens de sculpture qu’on y rassemble ; mais nos tableaux modernes font un effet étrange dans un édifice qui a gardé son caractère aussi intact, et où l’on aimerait à ne rien apercevoir qui n’eût l’empreinte du passé. Le temple de Vespasien, qui sert de musée à la ville de Brescia, outre que, pour l’adapter à cet usage, il a fallu le modifier par de grandes réparations et y créer des salles toutes neuves, ne contient que des antiques. Du reste l’emploi qu’on a fait du temple de Nîmes atteste assez son état de rare conservation, et, je l’avoue, ce mérite me touche. L’amphithéâtre, ou, comme on l’appelle, les Arènes, a plus souffert des ravages du temps. Les Sarrasins en ont fait une forteresse, et pour la peine Charles-Martel l’a brûlé. Les Nîmois s’en sont servis longtemps comme d’une carrière où ils prenaient des