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du chœur. Partout on admire le même soin et la même magnificence. Les riches métaux richement ciselés, les marbres rares et variés travaillés finement et assortis avec goût, une décoration opulente en fresques, en tableaux, en statues, le fini des détails et le fini de l’ensemble, tout se réunit pour faire de cette église un des meilleurs échantillons à étudier, si l’on veut un moment considérer un côté de l’art qu’on ne retrouve guère hors de l’Italie : c’est le côté par où les artistes de ce pays pourraient n’être envisagés que comme ornemanistes et décorateurs. Quelques-uns de ceux dont les œuvres parent la Chartreuse méritent un titre beaucoup plus élevé ; cependant, à l’exception du Guerchin, du Pérugin, de Luini, la plupart ne peuvent être promus au premier rang, et le Borgognone, Camille Procaccini, Gaudenzio Ferrari, Pierre Mazuchelli, dit le Morazzone, Jean Crespi, dit le Cerano, et Étienne Danedi ou le Montalto ne sont pas de ces noms que tout le monde est obligé de savoir.

Je conseillerais cependant d’étudier ici leurs œuvres et leur manière, car on rencontrera plus d’un de ces noms dans le reste de l’Italie, et tous les ouvrages d’un peintre de quelque valeur augmentent de prix, dès qu’on s’est assez familiarisé avec son style pour le reconnaître à première vue et le comparer dans les diverses applications et les âges divers de son talent. J’avais noté dans ce dessein un remarquable tableau à six compartiment, qui semble au plus tard du temps du Pérugin, et tout à fait digne des amateurs de cette époque de la peinture. Le nom de l’auteur, Macrino d’Alba, m’était nouveau, et je l’avais écrit pour y penser dans l’occasion. Je ne l’ai pas retrouvé dans toute l’Italie. Beaucoup de tableaux et plus encore de fresques, m’ont au contraire frappé par un air moderne qui n’en fait guère que de fraîches décorations. Plus d’attention est due aux œuvres des sculpteurs, qui peut-être ont la meilleure part dans la parure de la Chartreuse. Le tombeau de Galeas Visconti, ouvrage considérable, sorte d’édifice dans le goût de nos tombeaux des Valois à Saint-Denis, et auquel ont coopéré Pellegrino, Amadeo, Della Porta, est une chose véritablement belle, et, quoique moins importantes, les tombes de Louis le More et de Béatrice sont assurément d’une valeur égale. Leurs statues, couchées chacune sur un mausolée séparé et dues au ciseau du Gobbo, intéressent celui dont la mémoire est encore toute remplie de leurs deux portraits, qu’on voit à l’Ambrosienne. Léonard de Vinci a été égal à lui-même dans ces deux peintures, surtout dans le profil de la femme, chef-d’œuvre d’une vérité charmante, où l’art le plus exquis atteint à la naïveté la plus parfaite. On reconnaît un peu cette image, dont le souvenir est ineffaçable, dans la tête de la statue du tombeau, et il est vrai cet