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remarque, à cette occasion, « que Ching-paou est un admirable tacticien. » Cependant les actes de ce haut fonctionnaire ne semblent pas tenir ce que ses premiers succès avaient promis. Le 23 décembre, les rebelles viennent l’attaquer dans un lieu nommé Hia-si-ho, où il avait dessein d’établir un nouveau camp, Ils cèdent d’abord devant le feu de l’artillerie de Toung-ting ; mais, ce général ayant été tué au moment où il s’élançait à leur poursuite, ainsi que le préfet de Tien-tsin, qui était accouru à son secours, ils retournent avec furie à l’attaque. Peu s’en faut que Ta-houng-a, qui commande la division du nord, ne soit entouré et massacré. Sans un détachement de cavalerie qui vint à propos le secourir, il périssait avec tous ses soldats. « Que faisait en ce moment Ching-paou ? dit l’empereur dans une proclamation empreinte de sa colère. Séparé du lieu du combat par un canal qu’il ne pouvait franchir faute de bateaux, il se bornait à tirer de l’autre rive quelques coups de canon sur les rebelles. Que sont devenus cette activité et ce sang-froid dont on a tant parlé ? Si les belles actions sont récompensées, il faut que les lâchetés soient punies. Sur le lieu même où a vaillamment succombé le brave et fidèle Toung-ting, un temple sera élevé à sa mémoire ; mais le rang officiel de Ching-paou et de Ta-houng-a sera abaissé de quatre degrés, et si ce dernier ne se conduit pas mieux à l’avenir, qu’il sache qu’il sera décapité devant le camp ! » Dans sa juste sévérité, l’empereur sévissait contre ses propres parens. Il renvoyait en Mandchourie, pour y servir comme simple soldat sous sa bannière, son cousin, le prince Yih, qui dans l’action du 23 décembre avait déserté le champ de bataille sous prétexte d’aller soigner un rhume à Tien-tsin.

Ching-paou occupa son armée pendant les premiers jours de janvier 1854 à élever des batteries qui pussent foudroyer les rebelles jusque dans leurs retranchemens de Tu-liou et à construire des ouvrages avancés afin de couper toute communication entre cette place et Tsing-haï. Le 14, il s’était rendu sur le lieu même des travaux pour donner des instructions de vive voix à ses officiers, lorsque l’ennemi opéra une sortie à la faveur du brouillard. Il trouva les impériaux sur leurs gardes et perdit, ce jour-là, plus de six cents hommes. Les retranchemens, élevés par les troupes de l’insurrection pour se couvrir du feu de l’artillerie, furent forcés le 16 janvier ; les soldats qui les défendaient furent, culbutés et presque tous massacrés par la cavalerie tartare. Ching-paou se hâta d’annoncer à Pékin les nouveaux avantages qu’il venait de remporter ; mais ils ne suffirent pas pour racheter, aux yeux de Hienn-foung, l’échec du 23 décembre et surtout l’inconcevable lenteur des succès du vice-roi. L’empereur lui fit demander « comment il pouvait ne pas rougir