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et se manifeste bientôt par des symptômes plus sérieux. Un soulèvement des Miao-tsé en aurait été l’origine. Elle a occupé jusqu’en 1858 plus du quart de toute la province. Le journal officiel nous a appris qu’en 1860 elle avait été vaincue et entièrement réprimée. Il n’en a pas été de même du troisième mouvement insurrectionnel, de celui contre lequel le gouverneur provincial Tsang-oueï-youen lutte, depuis plusieurs années déjà, sur les frontières du Hou-nan. Il résulterait d’informations récentes qu’il n’a pas été, comme les deux autres, isolé et local, mais qu’il se rattache à la grande rébellion chinoise, dont il partage les aspirations et la fortune. Tsang-oueï-youen a fait parvenir à l’empereur une requête suppliante dans laquelle, alléguant son incapacité et ses fatigues, il conjure la clémence du souverain de le relever momentanément de ses accablantes fonctions.

Le gouverneur du Koueï-tchéou n’est pas le seul des hauts fonctionnaires de l’empire dont les forces trahissent le zèle. Son collègue du You-nan s’est trouvé en face de sérieux périls. La fièvre de la révolte a gagné les populations musulmanes de sa province et a pénétré jusque dans la capitale You-nan-fou, dont les autorités ont dû prendre précipitamment la fuite. L’ordre n’y est pas encore rétabli ; ni le Se-tchouen ni le Koueï-tchéou ne sont pacifiés.

KOUANG-SI, KOUANG-TONG. — Le Kouang-si renferme, comme le Koueï-tchéou, des populations insoumises ou simplement tributaires, qui ont sans cesse les armes à la main, des montagnes abruptes où les bandits et les mécontens trouvent d’inaccessibles asiles, où la rébellion contre les autorités légitimes est devenue un mal chronique, presque un état normal. L’insurrection de Taï-ping-ouang y a pris naissance et s’y est maintenue jusqu’à ce moment avec des alternatives de succès et de revers dont la prudence officielle a souvent épargné aux habitans de l’empire l’affligeant récit. En 1855, les rebelles descendent sur une immense flottille le cours du Si-kiang, pillent en passant les grandes villes de Vou-tchao-fou et Shao-king-fou, se recrutent de tous les mécontens qui abondent dans cette partie du Kouang-tong, et portent la terreur jusqu’au pied des murailles de Canton. Le vice-roi Yé-minn-tching ne néglige aucun des moyens qu’il peut avoir à sa disposition pour sauver sa capitale ; il met à profit les instincts querelleurs, l’esprit de turbulence et de rivalité qui distinguent les Cantonais, organise des bandes de volontaires, institue des tribunaux extraordinaires qui jugent sommairement les suspects, et pendant six mois ne laisse pas reposer les haches de ses bourreaux[1]. Son

  1. On dit que dans l’espace de huit mois Yé a fait tomber soixante-dix mille têtes sur la place d’exécution de Canton.