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infatigable énergie repousse victorieusement les efforts des insurgés. Ceux-ci voient leur échapper la riche proie qu’ils convoitaient et s’éloignent dans les premiers mois de 1856, laissant derrière eux dix mille cadavres. Ils reparaissent au commencement de 1860 et occupent de nouveau Chao-king-fou, ainsi que les districts environnans, pendant que les autorités provinciales guerroient au nord et à l’est contre d’autres bandes venant du Fo-kien, où l’on suppose qu’elles avaient été envoyées par l’un des lieutenans de Taï-ping-ouang, Chi-ta-kah, qui commande les divisions insurrectionnelles du Kiang-si. Il s’en est fallu de bien peu qu’elles ne donnassent la main aux rebelles du Kouang-si, et qu’ainsi la plus grande partie du Liang-kouang[1] ne fût distraite de la domination impériale.

KIANG-SI, FO-KIEN. — Dès le commencement du mois d’octobre 1853, l’étendard de la rébellion flottait sur les murailles des plus vastes cités du nord du Kiang-si. On racontait qu’il y avait été planté par les soldats de Chi-ta-kah, le plus vaillant, le plus populaire et le plus habile des généraux de Taï-ping-ouang, que dans les départemens septentrionaux baignés par le grand fleuve il ne restait plus trace de l’administration mandchoue, enfin que les habitans y vivaient heureux et paisibles sous le gouvernement nouveau. En 1855 et 1856, les progrès de l’insurrection furent encore plus rapides et plus décisifs. Elle fut contrainte, il est vrai, d’évacuer momentanément quatre villes situées à l’est du lac Poyang ; mais six autres cités lui ouvrirent successivement leurs portes, et nous la voyons en 1857 maîtresse absolue du centre de la province, dont elle occupe toutes les préfectures, sauf la capitale, Nan-tchang, que tiennent encore les troupes impériales. En 1859, elle répare ses pertes, rétablit son pouvoir sur les rives orientales du lac Poyang[2], et met le siège devant Nan-tchang-fou.

Dominateur presque absolu dans une des plus industrielles et des plus fertiles provinces de la Chine, Chi-ta-kah avait voulu pousser encore plus loin ses conquêtes, et les autorités du Fo-kien, qui jusque-là n’avaient eu à repousser que des attaques de pirates ou des séditions locales, s’étaient trouvées, au mois de novembre 1856, en face des troupes de l’insurrection victorieuse. Ce fut sans doute par les passes des monts Bohèa[3] que ces bandes entrèrent dans

  1. On donne le nom de Liang-kouang à la réunion, sous un gouverneur-général, du Kouang-tong et du Kouang-si.
  2. Le lac Poyang a environ trente-cinq lieues de long sur neuf de large. Plusieurs grandes cités occupent ses rives ; il renferme beaucoup d’îles pittoresques et populeuses et de très importantes pêcheries.
  3. Les Bohèa sont une chaîne de montagnes qui sépare en partie le Fo-kien du Kiang-si. On y récolte les thés les plus estimés de la Chine.