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qui mettent en péril le succès, de son entreprise ou se débarrasser peut-être de quelque dangereux rival, soit qu’il sente le besoin de maintenir l’union parmi ses partisans, de leur inspirer une confiance illimitée dans la bonté de sa cause et l’infaillibilité de ses paroles, de les maintenir par le frein d’une obéissance passive en leur imposant, pendant toute la durée de la guerre, cette dure pratique du communisme si antipathique à la nature humaine et à la nature chinoise en particulier, Hong-siou-tsiouen appelle à son aide l’intervention de la Divinité. Il emploie comme un puissant levier, pour remuer ces masses indolentes ou indociles, la terreur religieuse, à laquelle il les a rendues accessibles par sa doctrine. On voit d’ailleurs que les grossières natures sur lesquelles il devait agir n’ont pas toujours cédé à la pression de ce levier, et qu’il lui a fallu, pour les exciter plus vivement, avoir recours à des moyens qui fussent plus à leur portée par cela même qu’ils étaient plus immédiats et plus directs : nous voulons parler de la menace des châtimens et de la promesse des récompenses, de l’institution de marques honorifiques et infamantes.

Le 24 septembre 1851, il adresse à son armée ces paroles significatives : « Nous vous disons en vérité que ceux qui désirent la vie et qui redoutent la mort en ce monde n’y auront pas la vie, mais y trouveront la mort. » Le 13 septembre, à Young-ngan, il donne l’ordre à ses officiers de mettre tout le butin en commun sous peine de mort[1]. Un décret rendu le 30 octobre à Young-ngan ordonne qu’après le combat chaque chef d’escouade fasse un rapport sur la conduite des cinq hommes qui ont combattu sous ses ordres. Ce rapport sera transmis par voie hiérarchique, à la cour. Le brave sera marqué d’un cercle, le lâche d’une croix[2]. « Le père céleste, le frère aîné céleste et moi, dit le chef insurrectionnel dans un autre décret, nous avons constamment les yeux fixés sur vous, et aucune de vos actions n’échappe à nos regards. C’est pourquoi nous voulons que ces braves qui sont morts sur le champ de bataille et dont les âmes sont au ciel reçoivent maintenant d’éclatans honneurs[3], et nous promettons d’importantes et lucratives dignités à ceux dont le succès couronnera les efforts. Nous vous disons sincèrement que, si vous obéissez à la volonté du père et du frère aîné célestes en combattant vaillamment les suppôts des démons, vous jouirez dans ce

  1. Livre des décrets célestes.
  2. Ibid.
  3. Ces honneurs posthumes consistent dans un décret qui confère aux mânes de celui qui a succombé un grade, une dignité supérieurs à ceux dont il jouissait de son vivant. On sait que telle est aussi la coutume des Tartares. Ces derniers y ajoutent des sacrifices qu’ils offrent aux mânes du défunt.