Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/366

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commentaire de Roger Bacon sur la physique et la métaphysique d’Aristote[1]. Ce manuscrit a de l’importance. On y voit Roger Bacon aux prises avec les grands problèmes de la métaphysique. Or c’est là un côté de son génie resté jusqu’à ce jour complètement inconnu. Aussi M. Cousin, arrivé au terme de ses recherches sur les manuscrits inédits de Roger Bacon, adressait-il un noble appel aux savans de France et d’Angleterre. Il demandait à quelque jeune et consciencieux amateur de la philosophie du moyen âge de s’enfoncer dans l’étude du manuscrit d’Amiens, lui promettant pour prix de ses peines une ample et riche moisson ; il stimulait le patriotisme des savans d’Oxford et de Cambridge, et les adjurait de compléter la publication de Samuel Jebb. Ni l’Angleterre ni la France n’ont fermé l’oreille à ces pressantes réclamations. Dans le vaste recueil qui se publie par les ordres du parlement anglais[2], on a compris les œuvres de Roger Bacon. Tout récemment encore, un professeur de l’université de Dublin a retrouvé en partie le complément de l’Opus majus, et on nous fait espérer la publication prochaine du morceau tout entier[3]. Voici enfin un savant français, M. Emile Charles, qui nous donne sur la vie, les œuvres et les doctrines de Roger Bacon une monographie complète[4]. Elle est le résultat de six années de recherches et d’efforts. Rien n’a pu lasser la patience ni refroidir le zèle de ce jeune bénédictin de la philosophie. Voyages lointains et coûteux, transcriptions pénibles, déchiffremens laborieux, aucune épreuve ne l’a rebuté. Nul manuscrit connu n’a échappé à ses recherches. Il en a demandé de nouveaux à toutes les bibliothèques, à la Bodleienne, au Britisk Museum, à la collection Sloane, au musée Ashmole, à la Bibliothèque impériale, à la Mazarine, à tous les collèges d’Oxford, à toutes les collections de Londres, de Paris, de Douai, d’Amiens. Le fruit de tant de soins, de fatigues et de veilles est un ouvrage des plus distingués, que la Faculté des lettres de Paris, après une soutenance brillante en Sorbonne, a consacré par un suffrage unanime.

  1. Amiens s’est enrichi des livres et des manuscrits de l’antique abbaye de Corbie. Voyez Journal des Savans, août 1848.
  2. Voici le titre de cette collection : Rerum Britannicarum medii œvi Scriptores, or Chronicles and memorials of Great-Britain and Ireland during the middle age, published by the authority of her Majesty’s treasury, under the direction of the master of the rolls. — La publication des écrits inédits de Roger Bacon a été confiée à M. I. S. Brewer, professeur de littérature anglaise au collège du Roi à Londres. Nous n’avons encore qu’un volume, qui a paru en 1859 et qui contient l’Opus tertium, l’Opus minus, le Compendium philosophioe et un appendice, le traité De Nullitate magiœ.
  3. On the Opus majus of Roger Bacon, by John Kells Ingram, fellow of Trinity College, professor of English literature in the University of Dublin. Dublin 1858.
  4. Roger Bacon, sa vie, ses œuvres, ses doctrines, d’après des textes inédits, par Emile Charles, professeur de philosophie au lycée de Bordeaux ; 1 vol. in-8o.