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L’INSURRECTION CHINOISE.

ses rangs, et Kaï-foung se vit menacé de nouveau ; mais cette fois, suivant le rapport du gouverneur du Ho-nan, les divinités de la pluie, des nuages, du tonnerre et du Fleuve-Jaune, aidées de Kouan-ti, le dieu de la guerre, combattirent pour le succès des armes impériales. Le niveau du fleuve avait crû subitement de plus de trente pieds, et la pluie avait mouillé la poudre des assiégeans, qui se trouvèrent ainsi frappés d’impuissance. Ils cherchèrent leur salut dans une prompte retraite, et se virent forcés, le même jour, de lever également le siége de You-tchan. Profondément reconnaissant de ce bienfait, qui avait préservé Kaï-foung, « l’écran de la capitale, » l’empereur ordonna que l’on suspendît de nouvelles tablettes dans les temples dédiés aux divinités protectrices de la Chine, et le tribunal des rites, après avoir longuement délibéré, émit le vœu que le dieu Kouan-ti, auquel on n’avait offert jusqu’alors que les honneurs du troisième ordre, eût part désormais aux sacrifices du second degré[1].

Renonçant à l’espoir de s’emparer de la capitale du Ho-nan, les troupes rebelles allèrent se jeter sur la petite ville de Sse-choui, située près des bords du Fleuve-Jaune. On apprit quelques jours après que, déjouant la vigilance des généraux de l’empereur, elles avaient réussi à traverser le Hoang-ho, et qu’elles s’avançaient à marches forcées vers les frontières du Tchi-li. La seconde étape venait d’être franchie et la retraite n’était plus possible. Séparées de leurs bases d’opérations par deux grands fleuves et par les armées qu’elles avaient vaincues, les bandes insurgées n’avaient plus à compter que sur elles-mêmes et sur leur fortune. Elles étaient fatalement perdues si elles ne réussissaient à s’emparer de Pékin, et si elles n’atteignaient ainsi le but même de leur séditieuse entreprise. Leurs rapides victoires devaient être suivies d’une longue série de succès et d’épreuves : c’est cette époque critique et brillante de l’insurrection qui sera l’objet d’une nouvelle étude.

René de Courcy
  1. Les empereurs de la dynastie actuelle se sont mis sous la protection des mânes du général Kouan-you, qui avait acquis une grande célébrité du temps des Han. Ils lui ont donné le nom de Kouan-ti et en ont fait le dieu de la guerre. Avant la levée du siége de Kaï-foung-fou, Kouan-ti recevait seulement les sacrifices du troisième degré, aussi bien que l’étoile du nord et l’esprit du feu. Ceux du second étaient réservés au soleil, à la lune et aux ancêtres des précédentes dynasties. On n’offre les sacrifices du premier degré qu’à Dieu.