Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/383

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni colonnes, enfin toute sortes de mécaniques et d’appareils merveilleux[1]. »

Que le lecteur moderne se garde d’être trop sévère pour ces promesses brillantes où quelques chimères se mêlent à plus d’une espérance prophétique. Ni Kepler, ni Descartes, ni Leibnitz lui-même ne se sont préservés d’un peu d’illusion, et peut-être est-il nécessaire, même aux hommes supérieurs, pour atteindre un but proportionné aux forces humaines, de viser plus haut et de prendre leur élan vers l’inaccessible et l’infini.


III

Parmi les découvertes innombrables (je parle de découvertes proprement scientifiques) dont une critique peu sévère, depuis Wood jusqu’à M. Pierre Leroux, fait honneur à Roger Bacon, quelles sont celles qui lui appartiennent d’une manière authentique ? Question délicate et compliquée sur laquelle les nouveaux documens pourront fournir plus d’une information précieuse, mais que nous toucherons d’une main discrète, laissant aux juges spéciaux et compétens le soin de la discuter.

Le titre scientifique le plus certain de Roger Bacon, c’est la réforme du calendrier. Il est aujourd’hui incontestable que le moine franciscain a proposé à Clément IV cette réforme, sollicitée aussi par Copernic, et qui ne s’est accomplie que sous Grégoire XIII, en 1582.

« Les défauts du calendrier, dit Roger Bacon, sont devenus intolérables au sage et font horreur à l’astronome. Depuis le temps de Jules César, et malgré les corrections qu’ont essayées le concile de Nicée, Eusèbe, Victorinus, Cyrillus, Bède, les erreurs n’ont fait que s’aggraver ; elles ont leur origine dans l’évaluation de l’année, que César estime être de trois cent soixante-cinq jours et un quart, ce qui tous les quatre ans amène l’intercalation d’un jour entier ; mais cette évaluation est exagérée, et l’astronomie nous donne le moyen de savoir que la longueur de l’année solaire est moindre d’un cent-trentième de jour (environ onze minutes) ; de là vient qu’au bout de cent trente années[2] on a compté un jour de trop, et cette erreur se trouverait redressée si on retranchait un jour après cette période. »

« L’église, continue Roger Bacon, avait d’abord fixé l’équinoxe du printemps au 25 mars, et maintenant au 21 ; mais l’équinoxe n’arrive pas à cette date. Cette année (Roger écrivait en 1267), l’équinoxe

  1. Les traits de ce tableau sont tirés du traité De Mirabili et d’un fragment inédit du Traité de Mathématiques.
  2. Rigoureusement cent vingt-huit.