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du printemps a eu lieu le 13 mars, et tous les 125 ans environ il avancera d’un jour. L’église se trompa d’ailleurs dès le principe ; 140 ans après l’incarnation, Ptolémée trouvait que l’équinoxe du printemps avait lieu le 22 mars ; il y a de cela 1127 ans. Aujourd’hui il a lieu le 13, c’est-à-dire neuf jours plus tôt, et en divisant 1267 par 9, on obtient 124, qui est le nombre d’années au bout duquel les équinoxes avancent d’un jour. L’église prétend que le solstice d’hiver tombait le jour de la nativité de Jésus-Christ, le 25 décembre : c’est une erreur, la vérification de Ptolémée l’ayant fixé en l’an 140 au 22, il ne pouvait être, en l’an premier, qu’un peu plus d’un jour en retard, c’est-à-dire du 23 au 24. L’équinoxe du printemps ne pouvait être non plus, en l’an premier, le 25 mars, puisque Ptolémée l’a fixé, pour l’an 140, au 22 de ce même mois ; encore moins peut-il être, comme on le compte aujourd’hui, le 21, d’après l’usage de l’église ; en réalité il vient le 13 à peu près, puisqu’en 124 ans il avance d’un jour. Donc d’abord les équinoxes ne sont pas fixes, et puis ils n’arrivent pas aux jours indiqués par l’église. »

Les erreurs qui concernent les lunaisons ne sont pas relevées par Roger Bacon avec moins de sagacité et d’exactitude. « Le calendrier actuel, dit-il, indique mal les nouvelles lunes ; en 76 ans, la nouvelle lune avance sur l’époque fixée par le calendrier de 6 heures 40 minutes[1] ; au bout de 356 ans, l’erreur sera d’un jour entier. » En ajoutant d’autres erreurs à celle-là, Roger Bacon arrive à ce résultat qu’après 4266 ans la lune sera pleine dans le ciel et nouvelle sur le calendrier, et il conclut en adressant au pape cette énergique et éloquente adjuration : « Une réforme est nécessaire ; toutes les personnes instruites dans le comput et gastronomie le savent et se raillent de l’ignorance des prélats, qui maintiennent l’état actuel. Les philosophes infidèles, arabes et hébreux, les Grecs qui habitent parmi les chrétiens, comme en Espagne, en Égypte et dans les contrées de l’Orient, et ailleurs encore, ont horreur de la stupidité dont font preuve les chrétiens dans leur chronologie et la célébration de leurs solennités. Et cependant les chrétiens ont maintenant assez de connaissances astronomiques pour s’appuyer sur une base certaine. Que votre révérence donne des ordres, et vous trouverez des hommes qui sauront remédier à ces défauts, à ceux dont j’ai parlé et à d’autres encore (car il y en a treize en tout), sans compter leurs ramifications infinies. Si cette œuvre glorieuse s’accomplissait du temps de votre sainteté, on verrait s’achever une des entreprises les plus grandes, les meilleures et les plus belles qui jamais aient été tentées dans l’église de Dieu. »

  1. Plus exactement de 6 heures 8 minutes.