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ticuliers ; mais on n’en trouve plus de traces après le XVe siècle. Cette province jouissait alors d’une assez grande prospérité. Bourges, qui renfermait une population nombreuse et de florissantes manufactures, avait été un moment, sous Charles VII, la véritable capitale de la France ; il suffit de rappeler le nom de Jacques Cœur pour montrer les richesses qu’y accumulait le commerce. Un épouvantable incendie, arrivé en 1487, détruisit la plus grande partie de cette ville, et la royauté, délivrée des Anglais, ayant porté ailleurs sa résidence, une décadence marquée commença pour la province entière, dépouillée de ses anciens droits. Les guerres civiles des XVIe et XVIIe siècles et l’administration plus meurtrière encore de Louis XIV l’avaient réduite progressivement à une véritable misère. En 1700, elle comptait à peine 400,000 habitans. Pendant le long règne de Louis XV, elle s’était un peu relevée, mais sans cesser d’être une des plus pauvres et des moins peuplées. Mirabeau l’appelle quelque part la Sibérie de la France.

Necker évaluait le produit total des contributions dans la généralité de Bourges à 8 millions ; les deux départemens du Cher et de l’Indre en paient aujourd’hui 16. Les cultivateurs avaient beaucoup de peine, faute de communications et de débouchés, à vendre leurs produits ; ce qu’ils auraient aisément payé en nature, ils ne l’acquittaient qu’avec effort en argent. D’un autre côté, l’art de percevoir l’impôt, quoique fort amélioré depuis Louis XIV, était encore dans l’enfance, surtout en Berri. La taille y était personnelle, c’est-à-dire calculée non sur la valeur du fonds, mais sur les facultés présumées du contribuable, ce qui le rendait absolument arbitraire : les chemins s’exécutaient par le moyen détesté des corvées ; de plus la province appartenait à la région dite des grandes gabelles, et on y payait le sel 62 livres le quintal, tandis que les provinces franches, comme la Bretagne, ne le payaient que 2 ou 3 livres.

L’article 1er de l’arrêt du conseil qui instituait l’assemblée du Berri[1] portait que cette assemblée aurait à répartir les impositions et à diriger les travaux publics de la province aussi longtemps qu’il plairait à sa majesté. On a blâmé ces termes, qui laissaient dans l’incertitude l’avoir de l’institution ; mais on perd trop facilement de vue les résistances que rencontrait le ministre dans l’exécution de ses plans de réforme. Le nombre était grand des courtisans et des fonctionnaires qui allaient criant partout que le roi se dépouillait de son autorité ; on avait imaginé cette réserve pour leur fermer la bouche. Tout le monde savait à n’en pas douter que Necker avait

  1. J’ai dépouillé, pour l’exposé qu’on va lire, les procès-verbaux imprimés de l’assemblée ; je me suis aussi beaucoup servi d’un excellent Essai sur l’assemblée provinciale du Berri, publié à Bourges en 1845 par M. le baron de Girardot, conseiller de préfecture du Cher, qui a eu à sa disposition les archives du département.