Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/402

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ni déclarations d’habitans. Le propriétaire est libéré sur-le-champ. Il ne craint pas de voir accumuler des intérêts ni de souffrir des frais de saisie ; il ne peut jamais être arriéré et ne paie jamais au-delà de ses forces. Dans une récolte abondante, il paie un tribut plus fort, et se croit encore très heureux ; dans une récolte médiocre, il donne peu, et dans une année de stérilité absolue il ne donne rien. »

Cette forme d’impôt avait la plus grande analogie avec la dîme ecclésiastique, et l’auteur du mémoire ne le dissimulait pas. « Jamais, disait-il, la dîme n’a ruiné personne, tandis que la taille, même réelle, a causé la ruine d’une infinité de familles. Combien de cultivateurs, accablés par les intérêts et les frais accumulés de leurs tailles arriérées, ne se sont-ils pas vus expulsés du patrimoine de leurs pères par des trésoriers avides ! Au contraire, dans les pays heureux où règne l’imposition en fruits, la propriété est sacrée, la liberté personnelle assurée ; jamais l’impôt ne peut mordre ni sur le fonds, ni sur les meubles, ni sur la personne ; il ne prend qu’une portion des fruits. Les administrateurs nouveaux du Berri pourraient du moins en faire l’essai dans les premières années. On peut leur en assurer le succès d’après l’expérience de la Provence, où les communautés (on appelait ainsi les communes d’aujourd’hui) qui vivent sous l’imposition des fruits prospèrent beaucoup plus que celles où la taille est en usage. »

Malgré ces promesses, le bureau opposait à ce système de nombreuses objections : d’abord l’embarras de la perception, les différentes espèces de fruits se recueillant successivement et presque jour par jour ; ensuite l’incertitude du produit, qui permettait difficilement le paiement exact et régulier des deniers publics ; enfin l’inégalité d’un impôt qui, portant sur le produit brut et non sur le produit net, ne tenait pas compte de la différence des frais d’exploitation, et surchargeait un terrain ingrat plus qu’un terrain fertile. On voit cependant, par l’importance donnée à la proposition, qu’elle répondait à un besoin réel : d’après la constitution financière de la monarchie, l’argent de l’impôt sortait presque tout entier de la province, et il fallait pour le ramener un travail incessant.

Le comte Du Buat avait lu à l’assemblée tout un plan financier conçu par lui. Ce plan n’a pas été publié dans les procès-verbaux, mais le résumé qu’en donne l’abbé de Véri montre qu’il se rapprochait beaucoup de ce qui existe aujourd’hui. M. Du Buat distinguait trois sortes de revenus qu’il proposait d’imposer à part : le revenu foncier des terres et des maisons, le revenu mobilier et le revenu industriel, ce qui revient assez exactement à la distinction établie plus tard par l’assemblée constituante, — impôt foncier, impôt mobilier et impôt des patentes. Le bureau avait jugé ces idées bonnes