Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/403

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en théorie, mais il n’avait pas cru devoir s’y arrêter pour le moment, parce qu’elles supposaient un travail d’ensemble, et qu’on n’avait ni le temps ni les moyens de s’y livrer. Il fallait courir au plus pressé, c’est-à-dire parer aux plus gros inconvéniens du mode usité, tout en réservant la question de principe.

On redoutait d’ailleurs l’incurable défiance que tant d’années de gouvernement absolu avaient enracinée dans les esprits. « Le peuple, disait avec raison le rapporteur, n’imagine jamais qu’aucune opération ait pour but son soulagement ; il croit toujours que ce n’est qu’un moyen d’augmenter l’impôt. » Et le peuple n’était pas le seul à concevoir ces craintes : des publicistes écoutés écrivaient que l’institution des assemblées provinciales n’avait d’autre but que de contracter des emprunts avec la garantie des provinces, et de les accabler de nouvelles exactions. Au milieu de ces difficultés, aggravées encore par l’attitude ombrageuse de l’intendant, qui défendait pied à pied son autorité, le bureau ne proposait que quelques mesures de détail qui avaient cependant leur importance : elles consistaient à solliciter du roi la fixation des vingtièmes à payer par la province sous forme d’abonnement, et à confier aux contribuables eux-mêmes le droit de faire dans chaque paroisse la répartition de la taille par des experts élus. L’assemblée adopta ces conclusions, qui apportaient un véritable soulagement.

Le bureau des travaux publics vint en troisième ; il avait pour rapporteur l’abbé de Barzelles. Tout le monde sait combien les travaux publics manquaient en France sous l’ancien régime. Necker évalue à 9,000 lieues de 2,000 toises, ou 36,000 kilomètres, la longueur des routes achevées en 1780 dans tout le royaume ; nous en avons aujourd’hui plus de 160,000, sans compter les chemins de fer et la petite vicinalité. La situation de la France s’était pourtant fort améliorée sous ce rapport, comme sous tous les autres, depuis la mort de Louis XIV, la plupart des routes existantes ayant été ouvertes dans les trente dernières années du règne de Louis XV. Ce grand travail, entrepris par Trudaine, directeur-général des ponts et chaussées, excitait à bon droit l’admiration. La France lui devait l’impulsion qu’avaient reçue son agriculture, son commerce et son industrie, et plus on sentait les effets des routes ouvertes, plus on voulait en ouvrir d’autres. Le Berri, qui formait la quarantième partie de la surface de la France, n’avait alors que 92 lieues ou 368 kilomètres de routes terminées, c’est-à-dire le centième du total national. Il en a aujourd’hui 4,500 kilomètres : il a plus que décuplé. On y ouvrait en moyenne 10 kilomètres de chemins neufs par an, ou le dixième environ de ce qu’on en ouvre annuellement depuis trente ans. On n’avait guère d’autre ressource que celle des