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calculé qu’en cent cinquante ans l’Auvergne avait eu trente intendans. Le nouvel administrateur, M. Dufour de Villeneuve, ouvrit la première séance par un discours plein de témoignages de respect et de déférence pour l’assemblée. L’archevêque-président rendit compte de l’honorable réception faite par le roi à la députation. Il fut annoncé en même temps que le roi accordait l’abonnement demandé pour les vingtièmes, et, pour mettre le comble aux présages favorables, de nombreux dons volontaires furent faits par la noblesse et le clergé de la province. Le chapitre métropolitain offrit 3,000 livres pour être employées à tel objet d’utilité publique que l’assemblée jugerait convenable ; plusieurs autres églises collégiales, plusieurs abbés et prieurs s’étaient empressés de suivre cet exemple, et ce qu’ils offraient montait à plus de 68,000 livres ; quelques gentilshommes avaient donné, en moins de vingt-quatre heures, une somme de 17,000 livres. C’est ainsi que les ordres privilégiés cherchaient à faire oublier leurs immunités avant d’y renoncer tout à fait.

La grande question de la corvée fut remise sur le tapis, mais cette fois pour être résolue. Necker, impatient comme tous les ministres dont l’autorité est contestée, poussait vivement à la suppression. L’assemblée céda, mais avec quelque hésitation ; elle aurait préféré visiblement laisser aux paroisses l’option entre le travail en nature et le rachat en argent. « La perception en nature de tous les genres d’impôts, disait le rapporteur, a été la première règle des sociétés. On y a substitué, pour la commodité des gouvernemens, des perceptions en argent, plus onéreuses, sans consulter les peuples. La province en est encore à l’état primitif pour les chemins, il faut laisser aux contribuables l’option de la charge pour les exécuter ; c’est un soulagement qu’on leur doit. » D’autres proposaient une sorte de corvée mixte, c’est-à-dire que les corvéables auraient acquitté la moitié de leur tâche gratuitement et auraient reçu salaire pour l’autre moitié. Peut-être eût-il mieux valu, au point de vue purement économique, adopter ces demi-mesures, qui permettaient de conserver la corvée tout en l’allégeant. Dans la généralité d’Auch entre les mains de l’intendant d’Etigny, dans la province de Bretagne sous la direction des états, la corvée, bien administrée, venait de donner des résultats inattendus. En la supprimant tout à fait, on se privait d’une grande ressource, car, pour la remplacer par un impôt, il fallait commencer par la réduire des deux tiers. On disait, il est vrai, qu’avec un tiers en argent on obtiendrait plus de travail effectif ; mais on aurait pu obtenir plus d’effet encore en joignant au rachat en argent une portion de travail en nature. La suppression radicale de la corvée a plus nui que servi au développement des routes, et quand on a voulu donner une impulsion sérieuse aux travaux, on s’est cru obligé de la rétablir sous le nom adouci de prestation