Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/408

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en nature. Sans doute le rachat en argent vaut mieux en soi, mais il n’est pas toujours possible ; il ne le devient que peu à peu, à mesure que le travail prend de la valeur par l’ouverture des débouches, et on peut affirmer que, si le système de l’option l’avait emporté, notre réseau de chemins serait aujourd’hui beaucoup plus complet.

De telles considérations n’arrêtaient pas Necker et ne pouvaient pas l’arrêter. Ce qu’il voulait, c’était moins une mesure économique qu’un acte politique éclatant qui popularisât les assemblées provinciales par la disparition d’un usage détesté. L’assemblée du Berri comprit cette pensée ; elle décida que la corvée serait abolie dans la province, et que les travaux des chemins s’exécuteraient à l’avenir à prix d’argent. Pour parer à cette dépense, elle écarta la proposition d’un emprunt, et se prononça pour une contribution proportionnelle à la taille ; cette contribution devait être du quart au tiers du principal.

Bien que l’assemblée n’eût pas précisément à s’occuper des impôts indirects, dont la réforme ne pouvait s’accomplir que par l’autorité centrale, elle entendit sur ce sujet plusieurs mémoires étudiés avec soin. Le plus lourd de ces impôts était la gabelle, qui rapportait dans la province 1,800,000 livres. M. de Lusignan proposa de la transformer en une capitation de 4 livres par tête, à l’exception des indigens. On sait que Necker voulait mieux encore : il voulait réduire des deux tiers cet impôt écrasant. Le Berri ne formait pas seulement du côté du midi la frontière des grandes gabelles, il confinait aussi à la ligne de douanes qui partageait la France de l’est à l’ouest, et qui séparait les provinces soumises au tarif de 1664 des provinces réputées étrangères. On payait donc, pour aller de l’Auvergne et du Limousin en Berri, ce qu’on appelait des droits de traite pour certaines marchandises ; ces droits ne rapportaient annuellement que la misérable somme de 105,000 livres, et entravaient inutilement le commerce. L’abbé de Véri, d’accord avec Necker, proposa de les supprimer et de reporter aux frontières toutes les lignes de douanes. Les droits sur les boissons, qu’on appelait aides, donnaient lieu à une foule d’abus et de vexations : on indiqua également les moyens de les réformer, ainsi que les droits sur le contrôle des actes, la marque des fers, etc.

Le duc de Charost proposa, dans un mémoire important, tout un système de canalisation. La position du Berri au centre de la France, le nombre des cours d’eau qui l’arrosent, la forme de la Loire qui décrit une sorte de demi-cercle autour de la province, avaient depuis longtemps attiré l’attention. D’anciens projets, qui remontaient jusqu’à Jacques Cœur, accueillis plus tard par Sully et par Colbert, étaient restés sans effet. On calculait cependant que, de tous les