Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/411

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fondée peu après celle de Paris, en 1762, avait fait quelques efforts pour ranimer le travail des champs. L’intendant d’alors, M. Dodart, avait prononcé un discours d’ouverture où il insistait sur la nécessité d’étendre la culture des prairies artificielles, d’augmenter le nombre des bestiaux et la quantité des engrais, de clore les champs par des haies, d’affermer les communaux, etc. On peut se moquer des discours en fait d’agriculture ; ils n’en sont pas moins le témoignage de la situation des esprits au moment où on les prononce. Celui-ci prouve que les principes du développement agricole étaient connus et professés en Berri il y a cent ans ; la grande difficulté venait, comme toujours, du manque de capitaux et de débouchés. Expilly s’exprimait ainsi dans son Dictionnaire de la France : « Le Berri serait l’une des meilleures provinces du royaume, si le commerce y était plus florissant et l’exportation des denrées plus facile. Les habitans y font un débit considérable de leurs bestiaux et surtout de leurs moutons. Ils vendent aussi quantité de laine et de chanvre. »

Ces divers produits allaient en s’accroissant, mais par un mouvement de progression si lent, qu’il paraissait insensible. Un propriétaire du pays, le marquis de Barbançois, avait reçu dans sa terre de Villegougis les premiers moutons de race espagnole importés par Turgot en 1776, Un autre, le vicomte de Lamerville, le même qui fut plus tard député à l’assemblée constituante et rapporteur de la loi de 1791 sur les biens et usages ruraux, créait dans ses domaines, à Dun-le-Roi, le plus beau troupeau de mérinos qu’il y eût en France, la race de Rambouillet n’existant pas encore. D’autres travaillaient à perfectionner la culture du chanvre et celle des céréales. On avait essayé, mais sans succès, d’introduire le mûrier. L’abbé de Vélard n’en fit pas moins dans son rapport le plus triste tableau de l’état des campagnes. Il condamnait surtout l’abus de la vaine pâture. Sous prétexte que les troupeaux formaient le revenu le plus clair du sol, le Berri presque tout entier n’offrait qu’un immense pâturage sans clôtures, où les moutons dévoraient tout. L’assemblée demanda la réforme des coutumes en matière de vaine pâture, de manière à favoriser l’extension des prairies, tant naturelles qu’artificielles, et la reproduction des bois. En même temps elle fonda des prix et des concours, créa une école pratique de bergers, sous la direction de M. de Lamerville, et acheta de Daubenton vingt béliers de race améliorée.

Au nombre des usages locaux les plus pernicieux à l’agriculture, le rapporteur rangeait ce qu’on appelait la communauté taisible entre frères et sœurs, pour l’exploitation d’un même domaine. « Dans ces petites républiques, disait-il, comme dans les grands états, chacun à la prétention de profiter de tous les bénéfices de l’association