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de Rodez ; M. de Boutaric, descendant du célèbre jurisconsulte de ce nom, président de l’élection de Figeac, et M. Marqueyret, lieutenant de maire à Montauban.

Parmi les membres élus par l’assemblée, on remarque : pour le clergé, l’abbé de Villaret, alors vicaire-général de Rodez, et qui devint ensuite député aux états-généraux, évêque d’Amiens et de Casai sous l’empire, chancelier de l’université, et le modeste nom d’un simple curé de campagne, M. Cocural, dont le choix montre l’esprit de justice et d’égalité qui régnait dans l’assemblée ; dans la noblesse, le marquis de Mostuéjouls, dont la famille habite depuis huit cents ans sans interruption le château de ce nom sur les bords du Tarn, exemple de fidélité peut-être unique en France, et un autre descendant d’un ancien baron des états, le comte de Vézins[1] ; pour le tiers-état, Verninac de Saint-Maur, juge à Souillac, père de celui qui fut sous la république ministre en Suède et à Constantinople et préfet du Rhône, le littérateur Pechméja, auteur de Télèphe, poème en prose qui eut dans son temps l’honneur d’être comparé à Télémaque, et Allaret des Pradels, agronome passionné qui a introduit dans les environs de Millau la culture du trèfle et de la pomme de terre.

Une question délicate s’était élevée sur le lieu où se réunirait l’assemblée. Quoique le Quercy et le Rouergue fissent partie depuis longtemps de la même administration, chacune de ces deux provinces ne cessait de se considérer à part. La ville de Montauban, la plus importante de toutes, résidence de l’intendant et de la cour des aides, était située à l’une des extrémités de la généralité ; on pouvait craindre d’ailleurs des conflits nombreux entre les personnes en rapprochant trop les nouveaux administrateurs des anciens. Cahors et Rodez, les deux autres capitales, soulevaient aussi par leur situation des objections et des rivalités. On préféra Villefranche comme placée au centre des deux provinces et comme ayant été le siège des derniers états. L’assemblée s’y réunit le 14 septembre 1779, dans la chapelle particulière du collège des frères de la doctrine chrétienne, par lettres de convocation expédiées par ordre du roi et adressées

  1. La notice consacrée à la maison de Levezou de Vézins dans les Documens historiques et généalogiques sur le Rouergue, de M. de Barrau, est une des plus intéressantes. Le personnage le plus saillant de cette galerie est Antoine II, grand-bailli d’épée, gouverneur sous les derniers Valois des provinces de Rouergue, Quercy, Albigeois et Cévennes, que l’amiral de Coligny appelait le lion catholique, et dont le chancelier de L’Hôpital disait qu’il était un composé de pur or et de fer ardent. Mézeray raconte de lui un trait caractéristique. Au milieu du massacre de la Saint-Barthélemy, à Paris, il entra l’épée à la main chez un huguenot du Quercy, nommé Régniers, son ennemi juré, et lui intima l’ordre de la suivre. Régniers, se croyant perdu, obéit ; Vézins le fit monter sur un bon cheval, le conduisit à petites journées, sans lui adresser la parole, jusqu’à la porte de son château en Quercy, et le laissa là, tout surpris de ce dénoûment.