Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/422

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans quelques communautés des environs de Cransac la concession que le roi avait faite des mines de charbon de ce canton. Ces mines furent de nouveau abandonnées au peuple qui les avoisine ; il se contente d’en tirer ce qu’il lui faut pour sa consommation et en vend une petite quantité pour satisfaire aux besoins bornés qu’il éprouve. Le genre d’exploitation nécessaire est au-dessus de son industrie et de ses moyens. Les mines de Cransac sont d’autant plus importantes que, placées sur le bord du Lot, le charbon qu’on en retire se transporte par eau jusqu’à Bordeaux. Si le roi voulait bien confier à l’assemblée provinciale l’administration et l’exploitation des mines, cette source de richesses pourrait devenir féconde, car personne ne peut surveiller un pareil travail comme une administration composée des députés de tous les cantons, qui ont à répondre de leurs fautes à la province entière. »

Pendant cette première période de l’assemblée de la Haute-Guienne, on retrouve partout l’ardente impulsion de l’évêque-président. M. Champion de Cicé était, comme l’abbé de Véri, un ami et un disciple de Turgot ; ce n’est cependant pas à lui, mais à son frère aîné, qui devint évêque d’Auxerre, que Turgot avait adressé à vingt-deux ans sa Lettre sur le papier-monnaie, où se révélait tout entier le grand économiste. Les archives de Rodez contiennent la copie de la correspondance de M. Champion de Cicé avec les procureurs-syndics de l’assemblée pendant l’année 1780. Il passa à Paris cette année entière, à part le temps de la session, et s’y occupa très activement des intérêts de la province. L’intendant et la cour des aides de Montauban contrariaient tous les mouvemens de la nouvelle administration ; l’évêque, tenu au courant de leurs démarches, les combattait avec énergie, et, avec l’aide de Necker, finissait presque toujours par l’emporter. Ses lettres roulent sur les sujets les plus divers : routes, postes, octrois, haras, navigation des rivières, commerce, jauge des vins, questions d’impôts, rien ne lui échappe ; il n’y a pas jusqu’à une manufacture de cuirs façon d’Angleterre, qu’il s’agissait d’établir à Montauban, qui n’occupe fortement son attention. On ne peut lui reprocher qu’un ton de hauteur et de domination qui contraste avec son caractère épiscopal ; il aimait les honneurs, le pouvoir, les affaires, et cette passion l’a mené loin, puisqu’elle lui a fait accepter pendant son ministère la constitution civile du clergé ; pour le moment, son ambition même ne servait qu’à l’exciter au bien.

Au commencement de 1781, il fut nommé archevêque de Bordeaux et quitta la province. Son successeur au siège de Rodez, M. Seignelay de Colbert, devint à son tour président de l’assemblée, et y montra le même dévouement, avec moins de fougue peut-être, mais