Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/425

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dans l’intervalle, et son successeur, M. Meulan d’Ablois, voulut s’opposer à l’impression des procès-verbaux. M. de Colbert se fâcha : il écrivit un mémoire très vif au ministre. On avait pris pour prétexte le danger que pouvait avoir la publication des renseignemens sur l’état des récoltes. « M. l’intendant, disait l’évêque, semble nous accuser de répandre l’inquiétude relativement à la disette. Le syndic a dit en effet que l’année était très mauvaise ; mais quel est l’homme qui n’en était pas convaincu d’avance ? M. l’intendant croit-il que notre subsistance dépende de lui et des mesures qu’il va prendre pour nous procurer des blés ? Nous n’avons aucune confiance dans cette ressource, et nous en cherchons de plus assurées en faisant connaître d’avance aux particuliers et aux communautés la possibilité et même la probabilité du danger. Ce n’est pas du gouvernement que nous devons recevoir notre instruction. Les principes généraux nous viennent de l’éducation, et quant aux connaissances locales, le gouvernement a besoin de nous pour les acquérir. Du temps du ministère de M. de Laverdy, il y eut une défense de rien écrire et de rien publier sur les objets d’administration. Cette loi tomba bientôt, comme un règlement injuste et nuisible. Les hommes qui gouvernent sont-ils donc des dieux ? N’ont-ils aucun besoin de connaissances et d’instruction sur les objets éloignés d’eux ? Peuvent-ils connaître les besoins des peuples, s’ils interdisent à ceux qui les représentent les moyens de s’en instruire et de les dépeindre ? L’impression de nos procès-verbaux est utile : elle excite le zèle pour le bien public, elle a donné aux habitans de la province une énergie qu’ils n’avaient pas auparavant. Cette impression ne peut compromettre en rien le gouvernement, car nos délibérations ne sont pas son ouvrage, mais le nôtre. » Cette verte remontrance eut un plein succès. Plus heureuse que l’assemblée du Berri, l’assemblée de la Haute-Guienne publia ses procès-verbaux jusqu’au bout ; ils forment cinq volumes in-4o, imprimés à Villefranche.

La disette de 1782 avait porté l’assemblée à s’occuper plus spécialement de l’agriculture. Elle institua, sur la proposition du bureau du bien public, inspirée par Allaret des Pradels, des réunions agricoles sur divers points de la province, prenant ainsi les devans sur la généralité de Paris, où le premier comice agricole ne se réunit à Melun qu’en 1787. Les cultivateurs devaient y conférer sur l’état de la culture et sur les moyens de la développer ; le résultat de ces conférences devait être envoyé à la commission intermédiaire pour qu’elle rendît public ce qui lui paraîtrait intéressant. Déjà en 1781 un ami et un compatriote d’Allaret des Pradels, l’abbé Peyrot, prieur de Pardinas, avait publié à Villefranche un poème en vers patois sur l’agriculture. Les Mois de Roucher venaient de paraître, la traduction des Géorgiques