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fut entraînée à son tour. Les deux seuls travaux purement littéraires de lord Aberdeen témoignent du souvenir passionné qu’il conserva toujours de son voyage en Orient. Un article très érudit dans la Revue d’Edimbourg sur la Position topographique de Troie fut suivi d’un écrit plus soigneusement élaboré. À l’occasion de la traduction de Vitruve, par Wilkins, il publia, sous forme d’introduction, un essai sur l’architecture grecque qui fut réimprimé en 1822. Le mérite de ce morceau fut universellement reconnu. Bien que le jeune auteur prît à partie une des renommées les plus grandes et les plus populaires en contestant les principes de Burke sur le beau idéal, sa réfutation du grand penseur fut jugée victorieuse. Aussi dès 1812 fut-il nommé président de la Société des Antiquaires, position qu’il conserva jusqu’en 1846.

Malgré tous les avantages que lui eussent assurés sa naissance et ses relations, il ne paraît point que dans sa jeunesse lord Aberdeen ait ressenti aucun attrait pour la politique active. Dans un pays libre, il est rare d’avoir été si longtemps mêlé aux affaires en recherchant si peu le pouvoir et en négligeant avec une si constante insouciance les dons et les moyens qui en ouvrent l’accès. à la mort de son grand-père, en 1801, le jeune lord Haddo avait succédé au titre sous lequel il sera connu de l’histoire. En 1806, il fut appelé à la chambre des lords comme pair représentatif d’Ecosse, et son mandat fut renouvelé avec des circonstances flatteuses en 1807 et en 1812. Il ne semble pourtant point que la bienveillance traditionnelle de l’illustre assemblée pour ses jeunes membres ait tenté lord Aberdeen de prendre une part active à ses débats. On ne cite de lui, dans ce long intervalle, que deux discours un peu développés, celui dans lequel il proposa l’adresse en 1811 et celui qu’il fit pendant la même session pour seconder un vote de remercîmens parlementaires au duc de Wellington. Malgré ce peu d’empressement à rechercher la notoriété publique, lord Aberdeen dut témoigner sans doute une aptitude peu commune pour les grandes affaires, car ses débuts y furent aussi importans qu’honorables. La guerre avait continué avec un acharnement toujours croissant. Dès la reprise des hostilités, l’Angleterre avait décerné dans une même année de solennelles funérailles aux trois hommes sur lesquels elle avait le plus compté à cette période critique de ses destinées, M. Pitt, lord Nelson, M. Fox. Habituée cependant à ne mettre sa foi qu’en elle-même, avec un roi fou et des ministres dont aucun ne devait tenir, ni dans sa confiance, ni dans l’histoire, une place considérable, l’Angleterre affrontait toujours, sans appréhension, le plus puissant génie et la nation la plus guerrière des temps modernes. Quelles institutions ont jamais été mises à une épreuve semblable ? Le despotisme le plus éclatant était