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aux vins d’Espagne et de Portugal, je puis même à mon tour vous atteindre directement dans un de vos plus grands intérêts commerciaux ; mais comment répondre à cette dernière décision du gouvernement français ? Comment l’expliquer ? Les justes réclamations de sujets anglais, discutées depuis huit ans, soumises à une commission mixte et déclarées liquides, ne pourraient plus être prises en considération par un cabinet français ! Où en serait donc l’autorité du gouvernement ? Que serait devenue en France la majesté du principe monarchique ? »

« J’ai cru devoir, monsieur le ministre, faire observer à sir Robert Peel que je ne pouvais, à l’exemple de lord Cowley, considérer la question de Portendick comme ajournée, indéfiniment par la dernière réponse de votre excellence, qu’il m’était impossible également de regarder encore comme nettes et reconnues les réclamations des sujets anglais. J’admettais en leur faveur une forte présomption ; mais il ne suffisait pas, en pareille matière, de la conviction profonde des parties intéressées, sincèrement partagée par leur gouvernement, pour constituer aux yeux d’un autre gouvernement une créance liquide. Cette question n’était pas de celles que le pouvoir exécutif était seul appelé à décider. L’intervention des chambres était indispensable. Assurément rien ne serait plus facile que de leur porter l’affaire et de provoquer à tout prix un vote immédiat ; mais, animé du désir sincère de faire droit à toute demande fondée, le gouvernement du roi devait, dans l’intérêt même des réclamans, choisir et préparer le moment où il appellerait sur une question aussi délicate l’attention et les investigations parlementaires. Je ne regardais assurément pas les relations actuelles de la France et de l’Angleterre comme satisfaisantes et régulières. Nous avions assez longtemps fatigué le foreign office, il y a deux ans, de nos inquiétudes et de nos prévisions sur les conséquences d’une politique systématiquement hostile aux sentimens et aux intérêts de la France pour être en droit de rappeler aujourd’hui tant d’avertissemens méconnus. Nous n’avions cessé, pendant la dernière année de l’administration précédente, d’annoncer que l’on établissait à plaisir en Europe une situation nouvelle, qui ne produirait peut-être pas la guerre, mais qui ne serait sans doute pas moins éloignée des conditions d’une paix tranquille et assurée. Sir Robert Peel avait lui-même, à la tête de son parti, condamné la politique à laquelle je faisais allusion. Il avait signalé, lors de sa rentrée au pouvoir, parmi les difficultés de sa position, les rapports que cette politique avait créés entre les deux pays. Ces rapports, une seule parole publique pouvait les aggraver encore aujourd’hui. Fidèle à la tradition de l’ambassade du roi, et frappé avant tout des inconvéniens de toute provocation parlementaire entre les deux pays, j’avais voulu à l’avance indiquer le péril. Je viendrais trop tard, si j’attendais, pour le signaler, la discussion qui aurait perdu la question. — « Je ne sais en vérité comment la poser, a repris sir Robert Peel, sans exciter la surprise et l’animadversion du parlement. Je me bornerais au plus simple énoncé des faits, que vous verriez encore une manifestation des plus fâcheuses éclater sur tous les bancs. C’est à tort que vous me prêteriez, sur la discussion qui pourra s’élever, une influence que je n’ai plus. La politique récente de la France vous a entièrement aliéné le parti qui me soutient. Personne n’a plus souvent