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surtout parmi ses membres la science et l’habitude des affaires. Comme preuve du bon accord qui régnait entre le ministre protestant et le haut clergé, on peut citer le trait suivant, rappelé par le petit-fils de Necker, M. le baron de Staël : l’archevêque de Paris, ayant gagné contre la ville de Paris un grand procès qui établissait son droit de censive sur plusieurs édifices, abandonna au ministre les arrérages qui lui étaient dus pour être consacrés à quelque objet d’utilité publique, et Necker employa les 100 000 écus qui en provinrent à l’amélioration de l’Hôtel-Dieu.

En même temps qu’il admettait la distinction des ordres, repoussée par le mémoire de Turgot, Necker avait écarté l’élection. On lui en fit un reproche dans le camp philosophique. Il fallait faire accepter l’institution nouvelle par ceux qui se croyaient intéressés au maintien pur et simple de l’ancien régime ; c’était déjà beaucoup, et le résultat n’a point tardé à le prouver, que la réunion des ordres et le vote par tête : le principe républicain de l’élection aurait excité de bien autres répugnances qui pouvaient étouffer dans son germe la liberté provinciale. Former une seule réunion électorale où les ordres auraient voté ensemble était absolument impossible ; le clergé et la noblesse auraient refusé de s’y rendre. Faire voter les ordres à part dans des réunions distinctes ne se pouvait pas davantage ; le clergé et la noblesse n’auraient pas manqué d’y protester contre la double représentation du tiers et le vote par tête. La marche suivie valait donc beaucoup mieux ; les premiers membres choisis tenaient directement leur mandat du roi, et les autres le recevaient indirectement de la même source, ce qui coupait court à toute rivalité. Le roi désigna, pour faire partie de l’assemblée du Berri, les seize membres les plus distingués du clergé, de la noblesse et du tiers-état de la province ; ceux-ci firent à leur tour d’excellens choix pour les trente-deux autres. Rien n’avait d’ailleurs été décidé d’avance pour le mode de renouvellement ultérieur, et l’assemblée elle-même devait être appelée à en délibérer. Elle en délibéra en effet, et se prononça pour le principe électif.

Parmi les autres règles adoptées par Necker pour l’organisation de ses assemblées, celle qui rencontra chez les intendans la plus vive résistance fut l’institution du bureau permanent ou commission intermédiaire, qui devait veiller, dans l’intervalle des sessions, à l’exécution des délibérations. Cette institution n’était pas sans précédens. Necker l’avait encore empruntée aux états du Languedoc, et on en retrouvait d’autres exemples dans les anciens états provinciaux. On en a contesté l’utilité en se fondant sur le principe de la division des pouvoirs, et elle a disparu dans l’organisation départementale actuelle. Il serait cependant injuste de la condamner absolument, et surtout de la confondre avec la disposition de la loi de