Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/462

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La couronne d’Angleterre n’est point un vain symbole. C’est un pouvoir de l’état, pouvoir très efficace et très salutaire, mais contenu par des restrictions qui ne le sont pas moins. Parmi ces dernières, le vote annuel de l’impôt n’est peut-être pas la plus importante. Le mutiny bill, qui seul sanctionne la fidélité de la force armée, est voté annuellement dans les mêmes conditions. Il y a plus : tous ces agens de la puissance exécutive, nommés par elle seule, soumis à elle seule, sont passibles sans rémission, depuis le plus puissant jusqu’au plus humble, de l’inexorable justice du pays. Ils obéissent en présence de l’échafaud toujours dressé de Strafford. S’ensuit-il que tant de précautions prises, non contre l’exercice régulier de l’autorité royale, mais contre ses excès et ses abus, ou que tant d’immenses attributions dont, de son côté, le parlement est armé, constituent pour la Grande-Bretagne un gouvernement parlementaire ? La locution serait des plus incorrectes. L’Angleterre n’a pas mis moins de soin à distinguer et à séparer les pouvoirs qu’à les restreindre. Le parlement ne gouverne point, même dans ces cas extrêmes où il dépend de lui de rendre le gouvernement impossible. Sa puissance législative, la seule qui lui soit garantie par le bill des droits comme par les franchises traditionnelles du pays, serait elle-même imparfaite sans le concours du souverain. Les Anglais ont eu, il est vrai, leur gouvernement parlementaire et leur armée parlementaire ; mais alors leur admirable constitution avait cessé de les régir, comme leurs libertés cessèrent bientôt d’exister. Il importe de rappeler quelquefois ces vérités bien élémentaires et pourtant trop souvent méconnues par des publicistes distingués. Les fausses locutions font les fausses appréciations et créent les injustes préjugés.

La première crise, qui se termina par la rentrée au pouvoir du cabinet de sir Robert Peel, à l’exception de lord Stanley, fut signalée par. un incident des plus honorables pour lord Aberdeen. On sait que ce fut sur la répugnance décidée de lord Grey à voir introduire dans la direction de la politique étrangère les changemens prévus par chacun que lord John Russell abandonna la tâche de former son ministère. Cette adhésion, de la part de ses adversaires même, à la politique essentiellement libérale, patriotique, mais conciliante du ministre conservateur, semblait alors assez générale dans le pays. Les critiques et les censeurs ne faisaient pourtant pas défaut à lord Aberdeen ; mais j’ai rencontré peu d’hommes publics qui s’y montrassent plus profondément indifférens. Frappé pour ma part de la multiplicité d’attaques semblables, je voyais avec un étonnement assez naïf, chaque fois que je rentrais en France, des accusations plus vives encore dirigées contre le gouvernement du roi sous ce